A la recherche de nos vies intérieures

Parce que le mot spiritus, « esprit », qui évoque la spiritualité, ne renvoie pas nécessairement à la croyance en Dieu ou en des divinités, mais oriente vers la question de la vie intérieure, Patrick van Eersel s’est tourné vers huit personnes très différentes pour approcher cette intimité insaisissable et pourtant si marquante : Christophe André, psychiatre, Stanislas Dehaene, neurologue, Catherine Dolto, pédiatre, Cédric Villani, mathématicien, Arthur H, chanteur, Cheikh Bentounès, maître soufi, Annick de Souzenelle, bibliste et kabbaliste, Christian Bobin, penseur et poète. «  La vie intérieure, c’est quoi ? »

Le lecteur découvre huit modèles du monde très riches, complexes, qui peuvent éclairer sa propre démarche ou générer de la confusion tant le langage se révèle parfois impuissant.

« Les mots qui tentent de décrire les extases ne changent rien au grand mystère de l’être tel que nous pouvons le ressentir intérieurement, dit Christophe André. Il ne s’agit pas d’une énigme que la sémantique, ou les mathématiques, ou une quelconque recherche scientifique pourraient un jour résoudre. La vie, la mort, l’infini, l’amour, la création peuvent être cernés par des mots et des concepts rationnels de plus en plus denses et serrés. Au centre, ils demeureront ontologiquement du pur mystère. »

Les intermèdes de Patrick van Eersel qui ponctuent les entretiens permettent de donner un axe à l’ensemble, le plus souvent par des questionnements comme « Notre vie intérieure est-elle un tissu de mots ? », « Notre vie intérieure est-elle une bouture de celle de nos éducateurs ? », « Faut-il nous mettre en transe ? », « D’où nous vient l’inspiration créatrice ? », « Se taire serait-il la seule vraie façon d’aborder sa vie intérieure ? »

Annick de Souzenelle nous entraîne très rapidement vers le monde Imaginal, sur les pas d’Henry Corbin, pour donner l’intuition de la réelle dimension interne de ces questions :

« L’humanité prise comme un tout ne connaît encore que sa nature animale, elle ignore sa nature divine. Et l’accouchement de cette part d enous n’est pas simple et nous fait terriblement peur, tant nous sommes attachés aux valeurs du monde. C’est ce que veut dire le fameux avertissement divin : »Tu enfanteras dans la douleur ! » - et il s’agit de l’enfant divin. C’est exactement ce que vit l’humanité actuelle, en proie à des bouleversements colossaux sur tous les plans, parce que sa part divine cherche à naître et que celle du monde qui ne se réfère pas au divin est vouée à la destruction. Ce mouvement collectif a sa résonance dans l’intimité de chacun. C’est la plus grande révolution imaginable et il est normal qu’elle nous effraye. Mais je suis très confiante : cette révolution est en cours et elle va réussir de façon magnifique. Dans son évangile, saint Jean a appelé ce temps celui de l’Apocalypse, celui du dévoilement des mystères, celui de l’homme en marche vers sa demeure seigneuriale. »

L’épilogue, intitulé « N’importe qu’elle taulard sent très vite que tout va se jouer à l’intérieur de lui », permet au lecteur, après les méandres du voyage dans des vies intérieures de revenir à l’essentiel, vigilance, rappel de soi, silence…

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