Paul-Georges Sansonetti a délivré des conférences passionnantes durant huit années à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Il est un grand spécialiste de l’étude des mythes au sein de la littérature, du cinéma et des arts graphiques. Ce nouveau livre rassemble une quinzaine de travaux destinés à des conférences ou des revues, r
etravaillés pour un ensemble très cohérent autour du sujet des arcanes polaires et de la Tradition primordiale.
Le propos de Paul-Georges Sansonetti résonne d’une manière particulière dans la période unique et étrange que nous traversons :
« En résumé, disons que, pour toute personne accompagnant son existence d’une recherche fondée sur l’ésotérisme, s’impose la nécessité d’interpréter l’actuel état planétaire en fonction de l’involution cyclique ainsi que de la notion de Centre suprême, lieu par excellence du suprahumain ; tandis que, d’une façon complémentaire, interviennent mythes et symboles fondamentaux susceptibles de rédimer un mental considérablement affaibli par l’absence de référence à la Tradition primordiale.
Car le cycle, ainsi qu’on ne cesse de le constater, s’achève dans une confusion où se conjoignent parodie et tragédie. Mais, outrepassant les ultimes tentatives de subversion élaborées par ce que Guénon, toujours lui, a dénommé l’ « Anti-tradition », commencent à poindre, chez certains esprits rebelles aux renoncements, les signifiances décisives des arcanes polaires. »
Paul-Georges Sansonetti traque ainsi les signes qui orientent vers un « Centre suprême » source de tout courant traditionnel. Cette approche guénonienne pose problème. En effet, Guénon, intellectuel brillant, est un penseur de la Tradition largement surestimé. Il a commis nombre d’erreurs voire de fautes dont celle d’avoir poussé le concept inutile de contre-initiation, par crispation dualiste. L’opposition entre Tradition et monde moderne se révèle au final stérile pour distinguer un chemin de libération, tout comme une lecture réductrice, temporelle, linéaire, politique, géographique, de ce qui ne relève que de la Conscience et de ses états.
C’est ailleurs que se trouve le grand intérêt du livre, quand Paul-Georges Sansonetti s’approche d’une lecture plus durandienne des mythèmes et symboles mettant en évidence comment ceux-ci se glissent à travers les cultures, se jouent des accidents d’époque pour réorienter, rectifier, susciter le ressouvenir.
Très souvent, c’est en recourant aux runes et aux nombres que les liens et les sens vont être approchés ou établis. Probablement, certains lecteurs pourront voir ici et là une surinterprétation mais, ce qui importe dans ce domaine, c’est moins ce que tel monument, telle peinture, tel texte, tel symbole géométrique, tel alphabet veulent dire, que ce qu’ils peuvent dire en l’instant. Quelles portes ouvrent-ils ? Quels enchaînements de sens provoquent-ils ? Quelles énergies mettent-ils en mouvement ? Tout ce qui rapproche de notre véritable nature est ajusté à l’œuvre de libération.
C’est donc une manière de lire le monde comme objet enseignant au sein de la conscience que propose Paul-Georges Sansonetti, que ce soit en contemplant la façade de la cathédrale de Chartres ou en lisant un ouvrage de science-fiction d’Erle Cox, publié en 1925 sous le titre Out of silence. Tout est matière à travailler et Paul-Georges délivre une méthode pour ce travail. Le lecteur trouvera dans ces pages une impressionnante mise en œuvre des symboles et des nombres, qui fait sens quel que soit le courant traditionnel dans lequel nous nous inscrivons.
« Les différents domaines abordés, conclut Paul-Georges Sansonetti, nous ont permis de voir en quoi les trois concepts énoncés au début – le cycle involutif, le Centre suprême, les mythes et les symboles destinés à mémoriser la notion de supra-humanité – étaient omniprésents, sans cesse reflétés par des œuvres diverses qu’inspire tout un légendaire perdurant jusqu’à nous. A cet égard, il est pour le moins hautement significatif que le thème du Graal, d’une importance capitale, renvoie précisément à ces notions complémentaires que sont le corps de lumière et le Centre suprême. Ou de découvrir que la runologie révèle une connaissance méritant le qualificatif de « polaire » car destinée à ramener aux fondements de la Tradition primordiale. Tout se passe comme si, millénaires après millénaires, des intelligences détentrices d’un même savoir s’étaient ingéniées à faire en sorte que les trois concepts cités reviennent et s’imposent de façon majeure au sein des civilisations. Et ce, afin qu’ils constituent les références intangibles d’une société. »
Entretien avec Paul-Georges Sansonetti :
Source: La lettre du crocodile