La Tradition, un Art de l’Eveil

Avec ce livre, Witold Zaniewicki repose le cadre traditionnel et sacré que nous avons tendance à perdre de vue. Il nous rappelle aussi que la Tradition chrétienne n’a pas d’autre finalité que l’Eveil quand trop de prétendus chercheurs se perdent dans les illusions du pouvoir et du développement personnel.

Il commence sa réflexion, dense, concise, précise, par la querelle des images, ses enjeux, ce qu’elle indique du travail à accomplir et des écueils à éviter. Il clarifie les distinctions, parfois vécues comme oppositions, entre la « déification de l’homme en Orient », « l’imitation du Christ en Occident » mais aussi entre l’arabesque et la géométrie face à l’icône.

Il définit le tronc commun qui unit les chrétiens jusqu’au concile de Nicée en 787, tronc commun composé de trois éléments : le kérygme, les écrits néotestamentaires et le dogme compris comme « critère de la vérité de la contemplation ». Il insiste sur le fait que l’Église donne des clefs non des systèmes auxquels se soumettre. Il analyse avec finesse les mécanismes et les choix qui conduisirent la tradition chrétienne occidentale à se séparer de la tradition orientale autour de la question du Saint Esprit. Pour l’Occident « l’Esprit procède du Père et du Fils (Filioque) tandis que pour l’Orient, « l’Esprit est une hypostase, une personne à part entière » et « Il y a toujours dans la révélation trinitaire simultanéité et réciprocité. ». Cette opposition se cristallisera en une profonde rupture dogmatique aux conséquences considérables, spirituelles mais aussi politiques. D’autres éléments de séparation s’ajoutent à la question du Filioque comme celle de la Grâce ou du péché originel.

Witold Zaniewicki développe par la suite les sept degrés de la spiritualité chrétienne orientale : la conversion ou illumination, la catharsis ou purification, le passage thérapeutique par le désert ou l’ascèse, la métanoïa ou repentir ou encore seconde naissance, l’apatheia ou passion impassible, passage de l’éros à agape, la métoché ou participation à la vie divine, la théosis ou déification ou encore grande résurrection par laquelle « l’Homme est devenu par grâce ce que Dieu est par nature ».

« Ainsi, nous dit Witold Zaniewicki, la sainteté est la Vie dans sa plénitude. Et il y a de la sainteté en tout homme qui participe fortement à la vie. Non seulement dans le grand ascète, mais dans le créateur de beauté, dans le chercheur de vérité qui respecte le mystère des êtres et des choses, dans le parfait amour d’un homme et d’une femme, dans la mère qui sait consoler ses enfants et les mettre spirituellement au monde. »

Dans le reste de l’ouvrage, Witold Zaniewicki s’intéresse à la sophiologie et à différents messianismes. Nous découvrons ainsi les fondements et l’usage de la tradition du scapulaire, ou les liens entre messianisme et christologie.

Tous ces développements conduisent le lecteur à prendre conscience du sens et de la fonction des mystères, principalement de celui de l’eucharistie :

« L’Occident ne fait que nier ou affirmer la modification miraculeuse d’éléments terrestres, sans du tout comprendre que l’élément essentiel de l’eucharistie est l’Église et que c’est seulement par elle que les sacrements sont opérés sans aucun rapport avec les lois de la matière terrestre. L’Occident a l’intuition de cette Ecclésiologie eucharistique qui mène au Tout Autre, mais comme le disait Vladimir Lossky, la notion d’Eglise au bout de 2000 ans de christianisme n’a pas commencé à être vraiment cernée ni définie. Puisse l’eucharistie permettre cette prise de conscience dans les temps à venir. »

Si nous nous souvenons qu’il est une eucharistie permanente du Silence, l’Église apparaît d’une toute autre nature que celle dont ses fonctions rendent compte maladroitement. La synthèse proposée par Witold Zaniewicki permet de se doter de solides repères, non seulement historiques, mais en termes de valeurs opérantes.

Source: La lettre du crocodile  

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