Sylvestre II, le pape qui aimait Allah par Ahmed Youssef

Le pape Sylvestre II exerça de 999 à 1003, il est ainsi connu comme « le pape de l’an mil ». De son vrai nom Gerbert d’Aurillac, il fut le premier pape français et incarne l’esprit d’Al Andalus quand chrétiens, juifs et musulmans se montrèrent capables de prier, explorer et découvrir ensemble.

Les Arabes l’appelaient Gerbert le mystique et ses détracteurs « le magicien » ou encore « l’arabe ».

« Il introduisit en Occident, rappelle l’auteur, la mathématique et les chiffres arabes, ainsi que l’ensemble du savoir inspiré par les savants de Cordoue qui n’étaient autres, aux yeux de ses contemporains, que des magiciens, des émissaires du diable sur terre, dans les meilleurs des cas, ou des porte-étendards d’Allah en terre chrétienne, dans les pires. »

« Ce livre, ajoute-t-il aspire à retracer le long chemin parcouru par Gerbert, de l’Andalousie au Vatican. Il aspire également à brosser la fresque somptueuse de tout un monde de traducteurs compilateurs (chrétiens, juifs et musulmans) et transmetteurs de savoir autour de Gerbert. » Celui qui fut l’un des grands esprits de son époque et un remarquable astronome laissa une empreinte durable par sa volonté d’alliance entre sciences et traditions religieuses et son souci d’une Europe unie.

Plutôt qu’une biographie de Gerbert, il s’agit d’une succession de tableaux qui permettent de saisir ce qu’il fut et quelle fut son œuvre. Ahmed Youssef décrit ainsi Cordoue alors que Gerbert était en catalogne. Il évoque les conflits entre Al-Mansour, et ses troupes, et les chrétiens, dont le sac de Barcelone qui marqua l’histoire des relations entre chrétiens et musulmans. Au lieu de réagir par la violence, Gerbert cherche à mieux connaître les savoirs et cultures des musulmans. Il sera notamment fasciné par les nombres arabes qu’il étudiera longuement dans leur mystique comme dans leur application. Les découvertes empiriques des savants musulmans s’organisent en une science nouvelle qui vient heurter les superstitions chrétiennes de l’an mil. Gerbert sait que ces savoirs assurent l’avenir.

L’observation de la vie de Gerbert et du développement de ses idées tout comme des résistances à ses idées, ceci bien après lui, est riche d’enseignements sur les contradictions de notre monde d’aujourd’hui.

« Le projet gerbertien, insiste l’auteur, est donc un vieux projet de synthèse de civilisation du nord et du sud de la Méditerranée. On parle souvent du projet européen de Gerbert d’Aurillac mais on oublie que l’espace vital de ce projet n’est, de par le verdict de l’histoire et de la contrainte de la géographie qu’une identité méditerranéenne. C’est là où l’Europe puise les fondements de son renouveau et l’esprit de son essor. L’esprit européen ne peut qu’être méditerranéen, car le danger d’absorption par le nord russe et le nord américain le guette en permanence.

Au seuil du troisième millénaire, le vieux projet gerbertien semble visiblement réussi mais d’autres dangers, souvent invisibles – et c’est ici que réside le problème -, menacent cette réussite de sept périls... »

Ahmed Youssef présente trois de ces sept périls : le péril islamiste, le péril de l’amnésie, le péril de l’absence de l’homme providentiel.

Son propos et les documents rassemblés en annexe mettent en évidence l’actualité du projet gerbertien d’une alliance philosophique, scientifique et culturelle méditerranéenne susceptible de rayonner sur le monde et de lui apporter un nouvel équilibre, un projet qu’il nous faut renouveler en profondeur.

Source: La lettre du crocodile  

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