Le sens de l’hospitalité par Jacqueline Kelen

Porté par la belle écriture de Jacqueline Kelen, le lecteur va redécouvrir dans ce livre, le sens de l’hospitalité, dans sa dimension sociale certes mais aussi comme art de vie et voie spirituelle à part entière.

« Il est beau que dans la langue française, remarque l’auteur, l’hôte désigne aussi bien celui qui reçoit que celui qui est accueilli. Loin d’annihiler toute distinction entre les deux personnes, ce terme unique suggère déjà une proximité, voire une intimité et un enrichissement mutuel. Ainsi, l’inconnu, l’étranger, peut devenir le proche, le familier, l’ami. C’est une possibilité qui s’ouvre comme une porte, ce n’est pas une certitude. Et là est tout l’enjeu, le beau risque, des relations humaines et de toute rencontre voulue ou bien offerte par la vie. »

En explorant les philosophies antiques, les récits bibliques, les mythes et les traditions, Jacqueline Kelen met en évidence la réciprocité et le partage qu’implique l’hospitalité. Il s’agit d’un double engagement qui fait écho aux règles de la Chevalerie. Ce fut longtemps en effet un devoir sacré. A travers le partage de la nourriture et du gîte s’exprimaient une curiosité de l’autre et une certaine forme de sagesse. Cela n’est pas sans risque bien sûr, il est possible, comme les Troyens, de faire rentrer un ennemi dans la place par curiosité. L’hospitalité ne peut être naïve, Jacqueline Kelen évoque à ce sujet Blanche-Neige, elle demande apprentissage et discernement.

La fragilité humaine, la conscience de l’éphémère, conduisent à faire de l’hospitalité une spiritualité :

« Le désir spirituel qui oriente et élève une vie d’homme et de devenir dans l’au-delà l’hôte attendu par Dieu et d’être accueilli non plus comme un étranger, mais comme un ami dans le Royaume.

Cette bienheureuse et ultime hospitalité requiert une préparation et même une ascèse permanente. Ce que les Anciens nomment lutte contre les passions mauvaises qui attachent, dévorent et font obstacle à l’essor de l’âme. La vie intérieure est elle aussi, elle d’abord, sollicitée par toutes sortes de présences invisibles, les unes violentes et dangereuses, les autres lumineuses et sereines. Sur le chemin de la sagesse, chacun doit se poser la question : qui j’héberge, entretiens et nourris dans mon for intérieur ? A quels démons ou tentations ai-je ouvert la porte ? Qui sont les intrus, les parasites ? Qui s’avèrent des hôtes bienfaisants ? A cette lumière peuvent se lire les récits parlant d’une hospitalité visible, tel le repas qu’offrent Abraham et Sara aux trois visiteurs angéliques. Le monde d’en Haut et le monde d’en Bas communiquent, se reflètent et se répondent, à l’image du « sumbolon » de la Grèce antique, garant d’hospitalité. »

Avec ce texte, Jacqueline Kelen nous invite à repenser, avec sagesse, aussi bien la question de l’accueil des migrants, notre rapport à l’autre au quotidien, que la dimension métaphysique de l’hospitalité.

 

Source: La lettre du crocodile  

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