Vie d’un couple de félibres

Lemouzi n° 221b (2018-2). Société historique et régionaliste du Bas-Limousin.

Maguelone Moreau-Louis nous raconte la vie d’un couple rare à travers ce XXème siècle si tourmenté et cruel. Pierre Louis joua un rôle essentiel dans le développement du Compagnonnage et sa reconnaissance.

Fanette fut un soutien indéfectible aux causes qu’ils défendirent ensemble. Tous les deux participèrent activement au mouvement félibréen. Le livre raconte aussi l’histoire d’un lieu, d’une maison ouverte et accueillante, la Charmille à Feytiat. Il témoigne de la vie quotidienne au fil des décennies et du passage des générations au siècle dernier.

Pierre Louis fut « un géant du compagnonnage » nous rappelle Bruno Barjou, lui-même Compagnon Du Devoir de Liberté (DDDL), dans sa préface. Reçu en 1925 par l’Union Compagnonnique, avec le nom de « Limousin, Coeur Fidèle à Salomon », Pierre Louis se passionna pour l’histoire du compagnonnage et mit toute son énergie à rassembler, réorganiser ou faire renaître les Gavots, les Compagnons Menuisiers et Serruriers du Devoir de Liberté. Tout son talent et toute sa conviction furent nécessaires pour redonner aux Gavots le rayonnement qu’ils méritaient. Pierre Louis laisse un héritage et une empreinte comparable à celle d’Agricol Perdiguier qu’il admirait tant.

Fanette vient de la cité d’Arles. En entrant au service de la Comtesse Amélie d’Adhémar, sa vie va basculer. Elle se met à fréquenter le Félibrige. Frédéric Mistral n’est pas loin, il a demandé à la Comtesse de mettre en valeur les costumes provençaux. Fanette sera un modèle parfait et nous la retrouvons sur nombre de cartes postales anciennes en costume arlésien. Le mouvement est très dynamique et croise celui du Compagnonnage. C’est ainsi que sa route croise celle de Pierre Louis. Ce n’est pas le coup de foudre. Pierre Louis devra faire preuve de patience et de ténacité pour conquérir Fanette. Elle deviendra le pilier de la Charmille, cette maison où compagnons, félibres, ou résistants se trouvèrent à l’abri.

Le grand intérêt du livre est de faire revivre les personnages au jour le jour. Il constitue un témoignage important des conditions de vie des époques traversées, des difficultés rencontrées et des enjeux, personnels, professionnels ou politiques. Exemple quand en 1925, Pierre Louis fait un court séjour à Lyon que restitue Maguelone Moreau-Louis :

« Durant son court séjour lyonnais, Pierre n’a qu’une seule fois l’occasion d’assister à une réunion des « Pays » de l’Union Compagnonnique. Il souhaite prendre la parole, il a tant de choses à dire pour la réorganisation cohérente du siège, l’accueil des itinérants, leur formation mais il est le seul menuisier et il est très jeune. Le président Janaud, Tonnelier, lui rétorque que cela ne le regarde pas ! Tous ces vieux Compagnons fragilisés par la guerre en pleine maturité de leur vie professionnelle, ont atteint la fin de leur carrière dans la difficulté et ne se préoccupent que de leur entraide, inconscients de la nécessité d’encadrer la nouvelle génération pour assurer le maintien de leurs traditions.

Le siège de l’Union Compagnonnique de Lyon possède à cette époque tous les chefs-d'œuvre récupérés des Gavots, un trésor de connaissances, de prouesses, d’amour du travail, de recherche de la perfection professionnelle. Tout sera perdu quelques années plus tard et le siège de l’U.C., faute d’itinérants, disparaîtra avec les derniers vieux Compagnons sédentaires locaux. »

Ce court extrait permet de comprendre quelle fut la lucidité de Pierre Louis. Il a persévéré là où la plupart auraient renoncé face aux difficultés et à l’indifférence. Il fut »l’artisan du sauvetage de la société des Compagnons et Affiliés Menuisiers et Serruriers DDDL mais aussi, insiste Bruno Barjou, un Compagnon, l’exemple du Devoir et des vertus ».

Le couple et leurs amis devront aussi traverser le deuxième conflit mondial. Ce sera une période terrible pour le Compagnonnage comme pour le Félibrige. Nous ne saurions trop vous inciter à découvrir ce témoignage qui s’appuie sur des documents d’archives et des témoignages de première main. C’est l’apport considérable du Compagnonnage qu’il décrit, dans sa complexité, sa richesse. Le Compagnonnage n’est pas seulement une tradition il est un mouvement dynamique qui participe à la fois à la permanence des valeurs et à la transformation du travail et de la société.

Liens :

https://www.museecompagnonnage.fr/

https://www.felibrige.org/

Source: La lettre du crocodile  

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