Anthologie de la non-dualité

Le titre de cet ouvrage pourrait prêter à confusion. En effet il s’agit d’une introduction à la non-dualité plutôt que d’une anthologie. Comment imaginer en effet une anthologie de la non-dualité dont seraient absent les grands-maîtres cachemiriens du shivaïsme non-duel, Abhinavagupta en tête.

Véronique Loiseleur illustre les nombreux courants non-dualistes ou simplement les approches, parfois même les simples intuitions, par un choix de citations très éclectique couvrant les époques et les régions les plus diverses. Elle reste sur le vecteur gradualiste et cherche surtout à inscrire la non-dualité dans l’expérience quotidienne.

« L’être, dit-elle, ne passe pas brusquement de la dualité totale à la non-dualité transcendante mais il expérimente d’innombrables fois la non-dualité dans la vie de tous les jours avant de s’établir définitivement dans l’Absolu. La non-dualité est le but mais elle est aussi la voie royale qui y mène. Elle accompagne le chercheur d’un bout à l’autre de sa quête. Sinon, il demeure écartelé entre sa soif d’absolu et son expérience quotidienne. (…)

La non-dualité dans la vie quotidienne consiste à voir les choses telles qu’elles sont et à nous débarrasser d’un mouvement intérieur inutile qui, à chaque instant, refait le monde à sa façon, est en conflit avec les événements tels qu’ils se déroulent. Nous ne laissons jamais le monde être tout simplement ce qu’il est. Nous croyons connaître la réalité, mais en fait, à notre insu, nous ne connaissons rien d’autre que nos désirs et nos craintes sans cesse projetés sur le monde. Nous n’avons jamais vu le monde lui-même.

La non-dualité dans la vie quotidienne, c’est tout d’abord la prise de conscience de notre refus face au monde tel qu’il est puis le redressement patient, ingrat, dans tous les détails de l’existence, de cette manière d’agir erronée. »

Le monde est ici un champ d’expériences à explorer où « tout est enseignement ».

Véronique Loiseleur aborde tout d’abord la non-dualité sous l’angle métaphysique à travers les rapports ente l’homme et le monde, l’homme et Dieu, Dieu et le monde, avant de traiter cette vie quotidienne. Elle présente d’abord des enseignements contemporains comme ceux de Gurdjieff, Arnaud Desjardins, qui préface l’ouvrage, ou Rajneesh. Elle poursuit avec les voies religieuses par lesquelles le lecteur retrouvera des occidentaux dont Maître Eckhart, Simone Weil et des personnalités moins connues comme Maurice Blondel. Un chapitre est consacré aux stoïciens, Epictète et Marc Aurèle principalement.

Elle insiste avec raison sur l’instant présent avant d’aborder la question de la souffrance, « révélateur de notre refus de la réalité » de manière très lucide :

« L’attitude sobre qui consiste à accepter ce qui est simplement parce que cela est est de toutes les approches la plus métaphysique.

Cette formulation, dont la simplicité fait penser à première vue à une tautologie, est en vérité la plus haute, celle qui transcende tous les points de vue. Une réflexion sur l’utilité de la souffrance constitue une approche intellectuelle qui doit être dépassée pour accéder à l’acceptation directe, sans l’instant et sans imagination. On évite ainsi la compensation intérieure qui est illusion. »

Source: La lettre du crocodile  

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