Eloge de l’imposture de Pierre Drachline

Pierre Drachline (1948 – 2015) fut auteur, journaliste, éditeur. Libertaire d’une rare lucidité, il est décédé peu de temps avant la parution de ce livre, remarquable par le ton et la précision chirurgicale avec laquelle il met à nu, implacablement, les errances de notre monde.

Ce livre paraît comme un manifeste pour les jours actuels : « Dans l’ordre de l’imposture, l’humain ne m’a jamais déçu. « nous dit-il.

Voici quatre extraits qui donnent le ton mais démontre aussi la justesse d’analyse :

« Stendhal se disait partisan de la » monarchie absolue tempérée par l’assassinat politique ». La sentence me semble valable pour tous les types de régime. Il faut purger par le sommet. Une manière d’offrir un destin à des clowns qui n’auraient sans cela qu’une carrière. »

« La duplication des élites est une reproduction de l’absurde. La règle impose que portes et fonctions soient verrouillées. Qu’un intrus pénètre dans le cénacle et s’y incruste, tout sera mis en œuvre pour le corrompre et l’intégrer à la caste. Le converti n’aura dès lors d’autre choix que de s’aligner sur les pires comportements. La pourriture est contagieuse et nul n’échappe à la fétidité ambiante. »

« Un humoriste praguois, poitrinaire de surcroît, compara joliment la révolution à une inondation. Dès que l’eau se retirerait ne demeureraient que les chaînes de la bureaucratie. La Camarde, pressée comme à son habitude, ne lui permit pas de vérifier la justesse de sa prédiction. Son pari n’était en fait guère risqué. Les hommes n’ont jamais déçu les pessimistes. Ils choisissent toujours la voie étroite du pire. La soumission est dans leurs gènes. »

« Tout pouvoir, qu’il soit politique, économique ou culturel, amène son dépositaire à une perte de conscience de soi. Le processus est plus ou moins long, mais il se révèle irrépressible. Le potentat ou le guide n’a plus de collaborateurs ou de conseillers. Seulement des courtisans. Ils lui disent ce qu’il a envie d’entendre. Leur récompense sera d’ingurgiter ses prodigalités. Pour un peu, ils se disputeraient ses matières fécales, car le chef ne peut que déféquer des pépites. Bientôt, en toute logique, l’impunité et l’impudence de la cour les enivreront... »

Un ouvrage salutaire.

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