L’éveil spirituel de José Le Roy

José Le Roy est un familier des philosophies de l’éveil et des travaux de Douglas Harding dont il fut un proche collaborateur. Avec ce livre, il cherche à poser plusieurs regards sur la nature de l’éveil, et sur l’expérience de l’éveil. Il s’appuie à la fois sur les grands textes traditionnels, sur ce que certains ont pu dire d’une expérience que le langage est impuissant à restituer et sur les apports récents des neurosciences.

Il remarque tout d’abord que bien des mots sont utilisés pour désigner cette expérience de l’éveil spirituel. Parmi eux, nous relevons éveil, illumination, libération, unification intérieure, extinction, vision de sa vraie nature, retournement de la conscience… « Cette liste, précise-t-il, n’est pas limitative et bien d’autres termes pourraient être utilisés et ont été utilisés pour essayer de décrire ce qui est au-delà du langage comme déification, union mystique, salut… Cette pluralité de noms atteste que l’expérience d’éveil est présente dans des traditions, des époques et des lieux très différents.

De tous ces mots (…) je préfère celui d’éveil. Il a l’avantage de pointer vers ce qu’est vraiment cette expérience, c’est-à-dire un réveil : l’homme ou la femme éveillée déclare en effet s’être réveillée d’un sommeil ou d’un rêve. Le mot d’illumination est très beau aussi mais il est d’un usage problématique en français car dans la langue courante un « illuminé » désigne plutôt un personnage dérangé qu’un sage. C’est pourquoi je leur préfère les mots « éveil » et « éveillé » qui présentent l’avantage d’être plus neutres, plus techniques en un sens, et plus laïques certainement. » L’un des paradoxes de tout discours sur l’éveil réside dans l’expérience elle-même, le mot « expérience » n’étant même pas approprié. En effet quand il y a « éveil », il n’y a plus personne et par conséquent il n’y a rien à raconter. Dans la non-dualité, aucune histoire, aucune temporalité, aucun moment.

« La première chose à comprendre, précise José Le Roy, c’est qu’il n’y a rien à craindre ; nous ne sommes pas morts, c’est simplement une illusion qui est morte, celle de se prendre pour un moi séparé. Au contraire, nous découvrons une vie plus large (infiniment plus large), plus intense, et plus ouverte. C’est une renaissance. Car le vide est rempli d’une vie nouvelle, plus vaste et plus libre... »

José Le Roy est très conscient de tous ces paradoxes qu’il énonce clairement avant d’entreprendre ce qui est une déambulation dans les témoignages, les textes et les recherches. Il explique également ce que n’est pas l’éveil : ni illusion ni maladie mentale, ni état méditatif, ni développement personnel, ni émotion ni expérience chimique produite, ni expérience de conversion religieuse, ni expérience occulte, ni expérience extatique. L’éveil ajoute-t-il « ne fait pas de vous un enseignant qualifié », et « ne fait pas de vous immédiatement un saint homme ou une sainte femme ».

Il aborde rapidement la sempiternelle question de l’éveil progressif ou de l’éveil subit :

« Cette opposition entre un éveil abrupt et un autre plus graduel est donc en partie exacte mais en partie seulement : le chemin spirituel connaît en réalité une alternance de chocs subits et de compréhension plus graduelle. » Les limites du langage ont conduit à parler de l’éveil à travers des métaphores dont plusieurs sont présentées ici comme le ciel et les nuages, les vagues et l’océan, l’espace et le bol, le retour à la maison, etc.

Quand nous parlons d’éveil, notre pensée s’oriente en général vers les grandes traditions, notamment orientales. José Le Roy rappelle que c’est aussi un sujet de la philosophie occidentale : Platon, Spinoza, Schelling, Nietzsche, William James, Bergson, Mach, Heidegger, entre autres et, plus récemment Ken Wilber. Si la psychologie a encore quelques difficultés à approcher le sujet, la science semble désormais plus ouverte à la question, notamment les neurosciences. Méthodes, mythes, obstacles, paradoxes sont étudiés de manière générale et plus particulière.

L’ouvrage propose une multitude de regards et d’angles permettant au lecteur de se libérer de préjugés parfois tenaces au sein même des traditions et d’ouvrir sur la question de l’éveil dans le monde actuel :

« On pourrait penser, avance José Le Roy, que les sociétés modernes sont fermées à la spiritualité et encore davantage à l’éveil. D’abord parce que les conditions de la vie moderne (vitesse, bruits, écrans, divertissements, etc.) rendraient l’attention moins apte à se retourner vers une pratique spirituelle sérieuse. Et d’autre part parce que les Occidentaux seraient moins équilibrés psychiquement que les hommes des anciennes sociétés traditionnelles ; ils seraient plus immatures et donc dans l’incapacité de s’éveiller. Mais je ne suis pas d’accord avec ce diagnostic : je crois au contraire que l’éveil n’a jamais été aussi accessible que de nos jours. »

José Le Roy pense qu’il y a aujourd’hui de plus en plus d’éveillés, que l’accès à l’information et à l’enseignement sur l’éveil est plus aisé que jamais et que les approches non-duelles sont plus accessibles. Cet ouvrage est très intéressant par les ouvertures et le panorama culturel proposés. Nous regrettons d’avoir trouvé en annexe un test « Etes-vous éveillés ? » qui voudrait faire croire que l’expérience de l’éveil, si expérience il y a, pourrait entrer dans les critères d’un questionnaire, nécessairement dualiste, pris dans la structure aristotélicienne du langage. Mais nul n’est tenu de s’occuper des annexes.

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