Archives secrètes du Prieuré de Sion

Ces documents inédits proviennent de Pierre Plantard qui les confia en 1983, pour publication, à Jean-Pierre Deloux (1944-2009). A l’époque, le projet ne put aboutir.

Pierre Plantard, personnage pour le moins ambigu, fonda le Prieuré de Sion, sous la forme d’une association, en 1956, et le mythe qui l’accompagne. Pour cela, il n’hésita pas à puiser dans l’histoire, à la tordre pour ses objectifs et à produire de faux documents. L’invention du mythe moderne du Prieuré de Sion est tout à fait passionnante et significative aussi des attendus de notre société aliénée.

Pierre Plantard, malgré quelques revers et erreurs, orchestra magistralement la naissance et le développement de ce mythe qui intègre l’affaire de Rennes-le-Château ou plus exactement les « affaires », et la question mérovingienne.

Jean-Pierre Deloux, qui a bien fréquenté l’homme au côté de Gérard de Sède, n’est pas dupe :

« Force nous est faite d’admettre qu’il est la principale source de l’affaire et qu’à lui seul (ceci étant pour ceux qui dénient toute existence au Prieuré), il a créé un mythe moderne fédérateur de nos interrogations qui n’a pas fini de faire couler de l’encre ou de faire tourner le celluloïd.

Affabulateur, mythomane, peut-être ? Et encore, cela reste à prouver. Quant à ses compétences en hermétisme, le lecteur va pouvoir juger sur pièces. »

Certes les définitions de l’hermétisme sont nombreuses, du néologisme du XIXème siècle, presque synonyme d’occultisme ou d’ésotérisme, à la définition plus stricte faisant référence aux écrits attribués à Hermès Trismégiste et qui concernent l’alchimie, l’astrologie, la magie, la philosophie, la théologie. Si nous prenons cette dernière définition, celle qu’il conviendrait d’employer, on ne peut que constater la pauvreté du propos. Si nous prenons le terme dans son acception en vogue encore aujourd’hui, les textes proposés ne sont pas inintéressants d’un point de vue historique et culturel par les liens qu’ils proposent.

« Ces textes, précise Jean-Pierre Deloux, quand ils furent rédigés, n’avaient pas pour but d’être diffusés. Ceux que nous publions sont, selon toute vraisemblance, une très modeste part d’un ensemble bien plus vaste, que Plantard qualifiait d’archives du prieuré de Sion. Ces travaux sont contemporains de la « période Plantard ». »

Jean-Pierre Deloux a organisé ces textes par thème, facilitant ainsi la lecture et l’intérêt du lecteur. Les textes, souvent courts, parfois de simples notes, abordent l’histoire, la symbolique ou les mythologies. Ils sont typiques de la période de Pierre Plantard, d’autres personnages ayant procédé de même à une époque où il était difficile d’accéder aux sources.

« Ces documents, nous dit encore Jean-Pierre Deloux, permettent de se faire une idée de la culture, des connaissances étendues de leur auteur, et surtout des modes de penser particulier à l’hermétisme. Pierre Plantard qualifiait ces textes de rêveries. Ils font effectivement référence à une pensée qu’on laisse divaguer volontairement durant le rêve éveillé, à un passage volontaire du coq-à-l’âne par le biais de jeu de mots et d’associations libres. Ce mode participe de la pensée analogique et de l’interaction ludique des symboles, qu’on ne pratique guère aujourd’hui. »

Si nous sommes loin de la rigueur de l’hermétisme en son sens le plus strict, y compris de la Langue des oiseaux qui est tout sauf une rêverie, ce serait une erreur de rejeter ces textes. L’intérêt est d’un autre ordre certes, mais il existe.

Exemple avec Le Prince Vert :

« Prince Vert est celui qui admire sa superbe origine pour se proposer une fin plus superbe encore. Afin que ses ancêtres descendent de lui, il renverse les arbres de la forêt généalogique pour les dresser racines en l’air. Le peuple qui reconnaît sa révolte en Thierry la fronde et Robin-des-Bois exige du Prince Vert la qualité aristocratique et le droit de paraître en champ clos, croix rouge sous le tissu vert de l’écu. Le peuple admire la prairie verte, buveuse de sang où se marient le « sel de la terre » et la « sueur de ton front », mais à une condition : que cet aristocrate n’ait pas de parents. »

Ce simple passage s’offre aux multiples dimensions de l’interprétation : politique, sociétale, métaphysique, et même alchimique, exceptionnellement. Bien entendu, les contributions sont qualitativement inégales mais la plupart d’entre elles ne manquent pas d’intérêt. Bien entendu, elles ne sauraient valider le montage opéré par Pierre Plantard, mais parfois, la poésie transforme le rêve en songe.

Cet ouvrage, de belle facture, est sans doute l’un des rares ouvrages intéressants sur le sujet.

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