Beaucoup plus intéressant que les thrillers maçonniques portés par les médias qui ne sont que des produits surfaits, ce roman, qui s’ouvre sur une citation de Cioran, donne à penser tout en entraînant le lecteur dans une aventure policière passionnante. L’histoire commence de manière banale, sans être heureusement courante : le décès suite à un malaise cardiaque d’un certain Joseph Raminovitch lors de sa réception au grade d’apprenti dans une loge maçonnique.
L’arrêt cardiaque se révèle d’origine criminelle. L’enquête à rebondissement des inspecteurs Spinoza et Des Cartes, met en scène de manière inattendue mais pertinente le mythe d’Hiram, l’architecte du Temple de Salomon, son assassinat par trois ouvriers du chantier.
Le roman est divisé en trois parties : Vent glacé – « Vent printanier » et Vent de justice. « Vent printanier » est le nom d’une vaste opération de rafle des Juifs dans l’Ouest de l’Europe en 1942, un moment de noire démonstration de la collaboration française. L’assassinat de Joseph Raminovitch trouve en effet ses racines dans le quotidien de l’occupation nazie. Spinoza et Des Cartes, nos inspecteurs un peu philosophes, interrogent ainsi les évidences, ce qui est bien la fonction première de la philosophie, parfois avec humour, pour identifier les ressorts d’une affaire sordide.
L’auteur, artiste qui dirige aussi la revue Points de vue initiatiques, mêle habilement contextes ou faits historiques et imaginaire policier dans une narration à la fois tonique et agréable.
Ceux qui aiment le genre « policier initiatique » ou « policier » tout court, apprécieront le style et le fond.
« Comme chaque matin, Grégory Des Cartes fut réveillé par une langue râpeuse qui lui léchait l’oreille et des piétinements impatients sur son ventre. Les chats avaient décidé qu’il était l’heure de se lever. Tout en trébuchant sur les livres qui jonchaient le sol à côté du lit, il s’achemina vers la cuisine pour remplir les gamelles vides. Entre les livres et les chats, c’était un bel exercice d’équilibre au réveil. Les ronronnements sonores emplissaient la petite pièce. Greg était fasciné par le comportement de ces animaux. Parfois, il les traitait de « machines à ronronner ». Il aurait bien voulu ne les considérer que comme des machines, mais il restait tellement d’imprévisible dans leurs réactions, une sorte de liberté farouche, que cette hypothèse ne tenait pas. Et ça l’agaçait beaucoup de ne pas pouvoir les faire rentrer dans un classement logique, rationnel, cohérent… Un vaste tableau du vivant présidé par l’homme, bien sûr.
Il se demandait parfois si son penchant pour les félins ne venait pas du fait qu’ils contredisaient sa raison… »