Epicure. La voix de la nature de Renée Koch Piettre

L’entreprise de réhabilitation d’Epicure est en cours. Michel Onfray lors des cours de l’Université Populaire de Caen est revenu à maintes reprises sur l’importance d’Epicure et de ses disciples. Renée Koch Piettre, helléniste, directrice d’études émérite à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, après avoir publié en 2005 Comment peut-on être dieu ? La secte d’Epicure, chez Belin, revient sur le sujet et insiste sur la « grande actualité scientifique, depuis qu’au milieu du Siècle des lumières fut exhumée des cendres du Vésuve à Herculanum (…) une bibliothèque antique dont le fonds principal semble avoir appartenu à un épicurien syrien » de ce courant majeur de la philosophie. Ce fond précieux demeure toujours en cours d’étude et livrera encore bien des trésors.

A ceci, il convient d’ajouter « une autre bibliothèque qui fascine, une bibliothèque sur pierre datée du second siècle de notre ère, la plus grande inscription de toute l’Antiquité, due à un vieillard épicurien, un certain Diogène, d’Œnanda en Lycie dans l’actuelle Turquie, soucieux de transmettre à ses concitoyens et aux voyageurs de passage une doctrine de salut. ».

Si Epicure fut malmené et caricaturé de son vivant, notamment par Timocrate, son école rayonna pendant cinq cents ans. Ce qui frappe chez Epicure et ses disciples c’est l’importance fondamentale de la communauté, du souci de l’autre, du partage et de la mémoire des moments partagés qui font que ses membres se trouvent vivre à l’égal des dieux :

« Car, nous dit l’auteur, le ciment d’une telle communauté ne se limitait pas au confort matériel et moral. Il bâtissait une forteresse paradoxale, ouverte à tous les courants d’air, aérienne et invisible, au moyen d’une doctrine physique et cosmologique, appelée phusiologia, elle-même appuyée sur de rigoureux principes d’observation et de logique. Les apprentissages, les démonstrations, jusque dans le dialogue amical et les lettres échangées, visaient à supprimer toute crainte métaphysique, celle de la douleur, de la mort et des dieux. L’éradication devenue définitive – et ce, de manière non seulement idéale, mais encore bien concrète –dès lors que, à force de leçons et de discussions pied à pied, l’élève aboutissait au saut d’une forme de conversion où il reconnaissait en son maître l’égal d’un Olympien par la sérénité tirée de sa doctrine et le rejoignait du même coup en son Olympe. »

L’enseignement au Jardin était pluriel. La rhétorique était délaissée pour « une langue seulement limpide et vraie, transparente à ses objets ». La physique se voit subordonnée à l’éthique. Il s’agit de vivre ensemble et de vivre heureux, dégagé des préjugés sociaux, rejetant aussi bien la posture des stoïciens face à la douleur que la culture traditionnelle construite autour des mythes. La doctrine, sensualiste, la physique, visaient à trouver la sérénité.

Epicure étonne par ses découvertes :

« Epicure (…) avait accédé lui aussi à la notion d’atome, de particule d’atome et d’univers multiples. Il s’était même donné la peine de détailler par le menu la manière dont il était possible d’envisager sans le moindre instrument d’optique ou de mesure, une pareille structure de l’univers et de l’infiniment petit. Plus hardi que nos physiciens, il était allé jusqu’à intégrer à ce système, fondé sur l’observation de la nature à notre portée, une physique de la nature des dieux. Mais les conséquences qu’il en tirait étaient diamétralement opposées aux nôtres : il ne croyait pas, bien sûr, devoir étendre le pouvoir de quelque technoscience ni concevoir et fabriquer un vaisseau intergalactique pour visiter les exoplanètes. C'est depuis Colophon, Mytilène, Lampsaque ou Athènes, depuis les rives de la Méditerranée orientale, qu’il estimait suffisant d’envoyer des courriers d’une cité à l’autre pour faire avec ses disciples le tour de l’univers, autant de fois qu’on pouvait le désirer. C’est qu’il n’est pas mû par une absurde volonté de puissance : son but n’était que d’atteindre la sagesse et la sérénité au milieu des tourbillons de la nature et de l’histoire, et de l’atteindre non pas seul, mais dans une philanthropie modeste dans son offre de familiarité et sans limite ni exclusion, au milieu de troupes d’amis qu’il emmenait jouir en sa compagnie de son havre de sécurité et suivi des foules qui, même après lui, allaient encore pouvoir profiter de ses leçons de physique. »

Au fil des pages, Renée Koch Piettre dessine la grande actualité d’Epicure. Les leçons du Jardin sont bien des leçons pour aujourd’hui pour « un bonheur à la portée des hommes », une sagesse du quotidien par la connaissance et le respect de « la loi naturelle du bonheur et du plaisir ». La seconde partie de l’ouvrage, une anthologie, met à la disposition du lecteur les Maximes capitales, des Fragments de lettres à ses proches et familiers, une Lettre à Hérodote et une Lettre à Ménécée, autant de sources précieuses.

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