Une petite histoire de la psyché

Jean-Claude Guillaume est pédopsychiatre et psychanalyste et secrétaire de la Fédération française de psychothérapie psychanalytique pour l’enfant et l’adolescent. Ouvert à d’autres modèles de pensée que le modèle psychanalytique, Jean-Claude Guillaume aime explorer les croisées des chemins, là où les rencontres sont créatrices, et les chemins buissonniers qui restaurent l’être. Avec ce nouvel essai, Jean-Claude Guillaume, ouvre un dialogue fécond entre poésie et psychanalyse pour approcher l’intime de la psyché humaine.

Conscient que la poésie et son langage crépusculaire, qui nous rend bilingue dans notre propre langue comme le suggère George Steiner, constituent un merveilleux vaisseau pour plonger dans les profondeurs de l’âme, il s’appuie sur la clinique pour approcher les subtilités inconscientes de l’expérience humaine qui apparaissent dans la poésie, à la fois en détour et en nudité totale, et nourrit la clinique de cette poésie qui seule peut rendre compte, un compte imaginal selon Henry Corbin, de la réalité. Jean-Claude Guillaume évite ainsi l’erreur dualiste et s’oriente vers un indispensable regard non-dualiste.

En posant deux questions auxquelles nul ne peut répondre sans mensonge par un schéma thèse – antithèse – synthèse mais que l’on peut rendre particulièrement fécondes dans un processus thèse – antithèse – antithèse – antithèse – etc., Jean-Claude Guillaume inaugure l’un de ces trop rares chemins serpentins qui vivifient la pensée. Deux questions donc : Le souffle a-t-il une image ? – Histoire, réalité, vérité ? Peut-on saisir l’âme dans une histoire ?

« Même puisée dans les livres, nous rappelle-t-il, l’histoire demeure une tentative de tisser le temps dans le fil du langage et des mots. Elle prend sa source au cœur de la psyché de l’adulte, et vient nourrir l’enfant attentif, avide de ces résonances imaginaires dont il a besoin pour s’organiser, gérer son monde, et développer cette créativité nécessaire à la vie. » Mais quand est-il de l’histoire que l’enfant pourrait ou voudrait raconter ? En effet le monde psychique est un jeu de miroirs complexe qui renvoie ou étouffe la lumière. Il nous faut établir un autre rapport au mot, à l’image, au rêve pour approcher la réalité qui permette un passage de l’interne à l’externe, une mise au jour elle-même rétroactive et donc susceptible d’établir un nouveau paradigme interne.

Par ce dialogue, rigoureux, entre clinique et poésie (la poésie est la discipline la plus rigoureuse qui soit, la science la plus exacte de toutes), Jean-Claude Guillaume renoue avec une modalité que la philosophie, notamment antique, a longuement développée pour ne pas figer le concept dans l’intellectualité mais lui donner corps, le faire chair, le rendre réellement vivant.

Ce que le corps dit, ce que le trouble énonce, constituent autant de signes d’un procès harmonieux ou chaotique de réalisation de l’être. De l’unité à l’atomisation, c’est la gamme infinie des expériences humaines qui se déploient. Bien avant les psychanalystes, les philosophes, les poètes, les auteurs, les prophètes et d’autres explorateurs ont navigué sur l’océan de la psyché, ont plongé dans ses profondeurs, se sont souvent noyés mais en sont parfois revenus plus complets, tout comme Ulysse de retour en Ithaque.

Les psychanalystes, quels que soient les écoles et les courants, se sont souvent enfermés dans une vision réductrice de l’insaisissable, assénant comme vérités leurs propres regards conditionnés, fermant la porte sur l’infini au lieu de l’ouvrir. En invoquant la puissance poétique, Jean-Claude Guillaume renoue avec l’esprit d’Eranos qui avait comme premier principe de ne rien s’interdire, de ne rien pétrifier, pour laisser libre le jeu de la pensée et de la vie. Ce livre s’adresse ainsi à tous ceux que la complexité de l’âme humaine concerne. En appelant dans ses pages un Léonard de Vinci, un Fernando Pessoa, un Georges Bataille, un René Char et tant d’autres qui surent donner par les mots l’intuition paradoxale du réel, Jean-Claude Guillaume, tout en éclairant la clinique, entretient le feu du mystère, ce feu sans lequel la connaissance est vaine.

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