Le Japon, croyances et rites, de Jean Herbert

La réédition de ce livre, paru en 1977 déjà aux Editions Dervy est l’occasion de rendre hommage à Jean Herbert, un orientaliste qui a ouvert bien des voies dans lesquels d’autres chercheurs ont pu s’épanouir. Spécialiste de l’Inde, auteur de nombreux ouvrages consacrés à l’hindouisme, sa rencontre avec le japon traditionnel devait être l’occasion d’une trilogie : Aux sources du Japon, le Shintô (1964), Les dieux nationaux du Japon (1965), Dieux et sectes populaires au Japon (1967) qui précéda une intéressante Bibliographie du Shintô et des sectes Shintoïstes (1968).

Le Japon, croyances et rites constituent son dernier travail publié sur le sujet, un ouvrage toujours aussi précieux comme le remarque dans sa préface, Jérôme Ducor, Conservateur du musée d’ethnographie de Genève et enseignant des Universités de Lausanne et de Genève :

« Dans Le Japon, croyances et rites, son dernier ouvrage sur le sujet, Herbert raconte la mythologie du Shînto pour la période dite de « l’âge des Dieux » (Kami-yo), soit le développement du processus créateur depuis les origines jusqu’à Ninigi, petit-fils de la déesse du Soleil, Amaterasu, et aïeul du premier empereur du Japon, Jimmu Tennô. Il le fait à travers une lecture parallèle des deux textes fondamentaux que sont le Kojiki et le Nihongri et il nous fournit ainsi une sorte d’évangile synoptique qui, à près de quarante ans de distance, demeure un guide des plus précieux pour suivre cette généalogie particulièrement riche d’enseignements. »

Le shintoïsme demeure une tradition fondatrice dans le Japon moderne et son articulation avec les bouddhismes japonais, Shingon, Tendaï ou Zen, qu’il précéda, est tout à fait naturel aux japonais qui passent aisément du temple bouddhiste au temple shintoïste dans leur pratique spirituelle quotidienne. En Europe, le seul Temple bouddhiste Shingon, fondé par le moine Yukaï, possède un autel Shintô et accueille régulièrement des cérémonies shintoïstes. Il n’est donc pas étonnant que Jean Herbert commence son livre par ces mots :

« Ce qu’on désigne sus le nom de Shintô constitue la partie la plus importante et la plus authentiquement japonaise de l’héritage culturel qui inspire encore aujourd’hui les Japonais et peut faire comprendre leurs comportements. »

Le Shintô n’est pas considéré comme une religion au sens où nous l’entendons dans un Occident qui se réfère au modèle chrétien, il s’agit, selon Jean Herbert « d’une conception précise, solidement enracinée (…) des rapports entre l’individu humain et le milieu supra-naturel, naturel et humain dans lequel il évolue. »

Certains concepts nous sont plus familiers qu’à l’époque où Jean Herbert publia son livre, notamment celui de « kami », véhiculé en marge du développement des arts martiaux japonais en Occident, cela ne signifie pas toutefois qu’une mentalité occidentale puisse s’en saisir :

« Disons d’abord que les plus grands théologiens du Shintô ont eux-mêmes très explicitement renoncé à le définir. On pourrait dire que dans l’acception la plus générale il désigne toute entité digne de vénération et, dans son acception la plus étroite, toute entité faisant l’objet d’un culte, notamment dans un temple. Il peut s’agir d’un être extra-terrestre, primordial ou plus actuel, d’un être vivant, humain ou autre, ou même d’un objet matériel, soit naturel (roche, grotte, arbre), soit créé par la main de l’homme (miroir, etc.). »

Jean Herbert propose d’ailleurs au lecteur en fin d’ouvrage une liste des « significations les plus généralement admises des différents noms des Kami cités et principaux centres de culte » qui permettent d’entrevoir leurs fonctions respectives.

L’ouvrage comporte quatre parties : La création du monde – La grande confrontation – La consolidation de la terre – La pacification de la terre suivis d’un appareil de notes et d’une listes des nombreuses sources utilisées, toutes non-occidentales. Ces quatre parties offrent au lecteur une présentation globale, synthétique mais précise, de la cosmogonie Shintô qu’il est nécessaire d’approcher si nous voulons comprendre le Japon d’aujourd’hui car, même pour les japonais modernes qui s’éloignent des traditions de leur pays, cette cosmogonie influe et opère de manière souvent inconsciente.

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