La voie de l’alchimie chrétienne

C’est un bel ouvrage. En retraçant le cheminement géographique et culturel de l’alchimie depuis les forgerons de l’âge du fer jusqu’à sa rencontre avec le christianisme en ses multiples formes, Séverin Batfroi propose un renouveau de la pensée alchimique, un nouveau paradigme qui extrait l’alchimie de contextes traditionnels parfois réducteurs sans en altérer la permanence. En chemin, il insiste sur l’apport considérable du monde arabo-musulman :

« Si l’on doit à certain sauteurs occidentaux d’avoir développé, dès la renaissance, la triade symbolique « sel-mercure-soufre » que les alchimistes chrétiens mettront en rapport avec le corps, l’âme et l’esprit, les alchimistes musulmans avaient évoqué, bien avant eux, la triple composition des minéraux : corps (jism), âme (nafs) et esprit (rûh). Mais leur apport dépassa de très loin la simple mise en cohérence, la clarification et le classement des éléments hérités de l’alchimie alexandrine, copte, syriaque et égyptienne. Outre leur adaptation aux concepts théologiques et métaphysiques propres à l’Islam, les alchimistes musulmans introduisirent aussi une rigueur remarquable dans l’aspect purement opératif de leurs travaux. »

L’approche minutieuse du christianisme, dans sa relation avec l’alchimie, qu’il nous propose obéit à une démarche précise :

« Puisque la liturgie est pour le chrétien positivement agissante, elle doit se plier à certaines exigences d’ordre matériel qui ne sont pas sans rapport avec l’alchimie. On ne peut, cependant, examiner le seul symbolisme alchimique des rites chrétiens pour comprendre, dans son ensemble, l’ésotérisme du cycle liturgique annuel. Aussi utiliserons-nous le schéma de travail qui nous paraît le plus simple, afin d’aboutir de façon logique, aux festivités marquantes que nous examinerons. Le lecteur aura ainsi une vision globale du mystère chrétien de la Croix, indispensable à une bonne compréhension du symbolisme chrétien appliqué à l’alchimie. »

Et cela commence par la compréhension de la relation du Christ, éminemment solaire, avec le monde lunaire, Christ dont les métamorphoses reflètent celles du monde minéral dans le procès alchimique. L’étude consacrée à la Pierre philosophale dans le cycle liturgique de Noël est tout à fait éclairante. Les différentes phases du temps liturgique illustrent les différentes phases de l’élaboration de la Pierre philosophale. Les cendres du Carême évoquent, quant à elles, les phases préliminaires du Grand Œuvre. « La semaine de la Passion s’apparente symboliquement pour les alchimistes, nous dit l’auteur, à leur hebdomas hebdomadum ou semaine des semaines, qui est aussi une évocation des sept jours de la Création, tels que les rapportent la genèse. »

Séverin Batfroi traite encore de « La voie du salut », du procès qui fait passer « Des ténèbres à la lumière », du chaos des sages, du feu secret et du mercure des philosophes. Tout comme, en leurs temps, Heinrich Khunrath ou Blaise de Vigenère, il veut mettre en évidence que « le Grand Œuvre est une modalité de la révélation divine et que les travaux alchimiques sont la reproduction de la Création ».

Dans la période de grande confusion que nous traversons aujourd’hui, ce livre rappelle les valeurs oubliées, la rigueur indispensable que nécessite l’art de l’alchimie, ce qui n’exclut nullement l’originalité qui, comme son nom l’indique, n’en appelle pas à l’imagination mais au rapprochement avec l’origine.

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