Ce livre propose trois méditations sur le bouddhisme et la morale ou plutôt l’éthique, le terme de morale étant de nos jours trop connoté. L’auteur pose la question « Que faire et pourquoi le faire ? » et y répond en s’appuyant sur les textes canoniques du Mahâyâna ou Grand Véhicule, de la « Voie de la Grandeur ».
« On ne peut guère appréhender les perspectives morales de la grandeur, nous dit l’auteur, tant qu’on espère y trouver des normes transcendantes et universelles à appliquer dans l’ordinaire de la vie. Un préjugé ordinaire voudrait que toutes les traditions spirituelles et religieuses, y compris le bouddhisme posséderaient un corpus réglementaire régissant l’existence ; on pourrait même établir un tableau comparatif des prescriptions, par exemple concernant l’avortement ou l’homosexualité. Le Bouddha n’édicte pourtant pas de normes à l’usage du genre humain. Répondre simplement qu’il n’a pas de position définie sur des sujets comme l’avortement ou l’homosexualité ne permet guère d’apprécier la singularité de ses instructions. Car les règles de vie (shîla) auxquelles s’engagent les disciples du Bouddha n’ont rien d’une loi, ni sociale ni individuelle. Elles sont à apprécier comme un entraînement continué sur les capacités positives de tout être humain, celle de pouvoir se libérer des frustrations, des compulsions et des illusions, celle de pouvoir faire résonner la joie, l’ouverture et l’amour. »
Eric Rommeluère divise son propos en trois parties. La première traite des textes canoniques, « comment ils recourent à des procédés comme la parabole, la fable et la métaphore afin de libérer un agir neuf, créatif et imaginatif ». Il s’agit bien de laisse advenir une référence interne, non conditionnée. Il s’appuie sur la présence comme profondeur de l’existence et évoque magnifiquement une « épiphanie de la Terre » :
« La magie est un art qui étonne et émeut, la réalité ordinaire semble soudainement abolie et les limites franchissables. Par leur magie, les bouddhas et les bodhisattvas convertissent le regard des adeptes et les invitent à leur tour à s’inventer magicien : il ne s’agit pas simplement de se transformer mais de renouveler sa relation au réel. Le monde devient un lieu d’imagination. »
Après cette « possibilité d’un monde », l’auteur aborde la question d’un « agir infini » basé sur la dialectique entre samsâra et karma d’où émerge une morale non dogmatique et joyeuse. La troisième partie témoigne de « l’immense souci du monde qui ébranle les disciples du Bouddha ». Si « une morale vice qui oriente tous les actes » est à l’œuvre, la transgression est possible « par amour et compassion », par « souci du monde ». La compassion devient un moyen habile quand elle sert le plus grand nombre et non un projet personnel.
D’une manière générale, c’est bien l’impersonnalité qui permet de saisir l’essence du samsâra et du karma et la coïncidence parfaite de la cause et de l’effet dans le tissage du vivant.