Ce roman palpitant est inclassable. Il relève aussi bien du thriller policier que du roman ésotérique à clé. Il baigne avec aisance dans les milieux traditionnels les plus divers (gnostiques, francs-maçons, prêtres égyptiens antiques, mystes d’Eleusis…)

le monde complexe des services spéciaux, les cloaques politiques, des psychés plus ou moins perverses, en traversant les époques et les lieux sans plus se soucier de l’ordre.
La logique s’établit ailleurs, dans le rapport entretenu par le lecteur avec les personnages principaux, un commissaire plutôt bonhomme et conformiste, un officier anglais très typé, un érudit, un directeur de CIA tenace et Julie, délicieusement attachante. Le lecteur est baladé par l’auteur. Il se perd, croit se retrouver mais s’égare de nouveau. Pourtant, en arrière-plan, les choses se mettent en place, inattendues. Quand le lecteur comprend, il est trop tard.
« Andrew regardait sa montre. Deux heures que Masri était parti les laissant seuls dans la somptueuse suite.
Julie, de son côté, avait étalé sur l’épaisse moquette les documents mystérieux, les clichés de l’institut et les analyses des experts, avant de réquisitionner définitivement la salle de bains au grand dam du capitaine. Cela faisait plus d’une heure.
Devant la chaîne CNN, il essayait de faire le vide, espérant trouver un bref sommeil récupérateur, mais la tension était trop forte. Il oublia le stress des dernières heures et se mit à penser au capitaine qu’il était au matin, le doigt sur la couture du pantalon, et qui, ce soir, se prélassait dans la suite d’un palace, en tant qu’agent très spécial de Sa Gracieuse Majesté.
La porte de la chambre de Julie s’ouvrit enfin. Un nouveau rêve apparut.
Elle était vêtue du peignoir aux insignes de l’hôtel. Décontractée, elle s’avança vers le meuble bar. Ses cheveux noirs, encore légèrement mouillés, glissaient sur ses épaules, dégageant une nuque aux courbes sensuelles et sa souple démarche laissait apercevoir, par instants volés, la finesse de ses jambes. Des détails qui l’achevèrent.
- Vous m’accompagnez ? demanda-t-elle en exhibant une demi-bouteille de champagne.
- Avec plaisir.
Comment fut-il capable de répondre sans avoir la voix embrouillée et stupide, il ne le saurait jamais. »
Si la scène vous rappelle sans doute un classique d’un autre célèbre agent de Sa Gracieuse Majesté, la suite s’avère moins conformiste. Orson Sinedy fait des clins d’œil aux connaisseurs du genre mais ne se prive nullement de les dérouter. Contre-pieds, chausse-trappes, trompe-l’œil maintiennent le lecteur en alerte. Les frontières sont floues entre le réel et un imaginaire obscur. Perméables, elles donnent aussi accès à de îlots de savoirs traditionnels.
« Byzance et toutes les religions sont les coupables. Les textes de toutes nos religions ont été manipulés, orientés, interprétés. Les hommes de l’ombre ont dégagé habilement dans les paroles des initiés des notions qui n’existaient pas, comme le péché, la culpabilité et toutes ces règles moralistes restrictives à la liberté, à l’amour et à l’esprit intuitif. L’invention de dogmes afin de maintenir l’humanité dans l’ignorance. »


Pascal Galodé Editeurs, 7 rue Dinan, 35400 Saint-Malo, France.

source: La Lettre du Crocodile

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