C’est une excellente idée que celle d’une rencontre entre Annick de Souzenelle, spécialiste du symbolisme de la Bible hébraïque dont les deux volumes d’Alliance de feu ont marqué beaucoup de chercheurs, et Frédéric Lenoir, sociologue des religions et directeur du Monde des religions.

Annick de Souzenelle a souvent pris une position originale dans le domaine de la Tradition. Ce livre est l’occasion de mieux cerner globalement sa pensée et de prendre conscience de la cohérence et de la puissance génératrice de son interprétation.
Frédéric Lenoir et Annick de Souzenelle ont choisi de s’en tenir aux trois premiers chapitres, si importants, de la Genèse dont Annick de Souzenelle propose une interprétation qui constitue les deux tiers de l’ouvrage, le premier tiers, introductif, étant constitué de l’entretien.
Dans son commentaire des trois premiers chapitres, Annick de Souzenelle a souhaité souligner et identifier nettement ce qu’elle nomme des lois ontologiques :
« Le mot « ontologie » vient du grec ontos, participe présent du verbe « être ». L’ontologie biblique, c’est la qualité première de l’être créé de Dieu et lancé dans la dynamique de son devenir. Or, cette dynamique obéit à des lois qui doivent guider l’être vers sa vocation essentielle. Ces lois nous sont données à décrypter dans la Genèse, et elles fondent une anthropologie qui a du sens. Ces lois sont celles qui structurent le créé ; elles régissent les mondes visibles et invisibles et s’appliquent à tous les systèmes organisateurs de ces mondes, depuis l’astrophysique jusqu’au microbiologique (…)
Ce sont celles qui furent sculptées dans la pierre des premières tables que reçut Moïse au Sinaï, mais qu’il dut briser en retrouvant, au pied de la montagne, un peuple incapable de les recevoir : « ces lois se sont envolées avec les lettres » qui les composaient, nous dit la mystique juive. Chacune des lettres en contient la totalité. Interrogées dans leur profondeur, elles nous restituent ces premières pierres. Leur ensemble forme la Torah ; ce mot désigne le texte lui-même, et aussi les lois usuelles qui structurent la vie du peuple hébreu, que Moïse dut réédifier après la brisure des premières pierres et qui sont comme les ombres portées, dans notre monde empirique, des lois ontologiques. »
Annick de Souzenelle, à l’inverse de nombre d’exégètes, refuse de replacer le texte dans un contexte historique ou dans une temporalité quelconque.
Voici maintenant ce qu’elle dit du Bereshit. Vous constaterez que nous sommes là en pleine philosophie de l’éveil, à mille lieux des complexités illusoires et inutiles de magistes ou pseudo-kabbalistes.
« La Tradition mystique juive nous rapporte que la Torah est contenue toute entière dans le premier Livre, la Genèse, appelée en hébreu Bereshit, du premier mot qui, poursuit la Tradition, contient à lui seul la totalité de ce Livre ; (…)
Tout d’abord, il n’est pas un « commencement », concept qui s’inscrit dans une catégorie historique, celle du temps de l’exil. Or, les deux premiers chapitres de la Genèse, que nous allons parcourir, racontent l’histoire de nos origines, en amont de l’exil et de ses « ténèbres extérieures », c’est-à-dire en un espace et un temps propres à l’intériorité de l’être. Bereshit dit précisément le « principe » de l’être – ce que traduisent le grec et le latin, respectivement par ‘En ‘Arche et In principio.
Ce temps ontologique ne peut être rendu que par un prison. Ce principe m’habite, nous habite tous, dans les profondeurs insondables de notre être. Dans la suite du récit biblique il sera parfois appelé l’ « orient » de l’être, référant à une mystérieuse géographie intérieure ; ou encore le « très antique » dans le temps qui correspond à cette espace intérieur et qui rejoint l’éternité… »
Quête de l’éternité dans un ici et maintenant constitué par un non-temps, tel est le chemin des lettres sur lequel nous conduit Annick de Souzenelle, le chemin de l’Alliance avec sa nature originelle et ultime.
Certains spécialistes contesteront la validité de telle ou telle proposition ou interprétation. Là n’est pas la question. Il ne s’agit pas de savoir si Annick de Souzenelle dit juste ou dit vrai, le langage ne permet pas le Réel, mais si son propos éveille ou s’il endort. Or, nul doute à ce sujet, Annick de Souzenelle fait bien partie de ces éveilleurs qui sortent l’être humain de sa torpeur pour lui rappeler qui il est.
En cela Frédéric Lenoir sera d’accord avec nous : « Annick de Souzenelle s’apparente davantage pour moi à un maître spirituel qui éclaire ses disciples à partir de son expérience, qu’à un savant qui tente de fournir une interprétation rationnelle du texte pouvant faire école et rationaliser. »
Ce livre est important pour l’étude dans les loges maçonniques et martinistes mais aussi, en profondeur, pour ceux qui approchent les voies directes.

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