Nous devons à José Dupré un excellent Catharisme et chrétienté publié en 1999. Il consacre cette nouvelle étude au mouvement anthroposophique auquel il a largement participé et contribué depuis 1961.
La somme proposée ici au lecteur a pour objectif de lui restituer un portrait non idéalisé de Rudolf Steiner, personnage peu commun dont le rayonnement s’étendit de l’agriculture à la spiritualité en passant par l’éducation et les arts. Peu de domaines en fait échappèrent à son intérêt. La plupart des écrits réalisés sur Steiner sont l’œuvre soit de disciples, soit d’opposants.

José Dupré résume ainsi l’état d’esprit qui fut le sien lors de la rédaction de l’ouvrage :
« La nécessité qui nous est apparue, ne fut évidemment pas d’ajouter à l’un de ces genres, déjà sur-représentés, mais plutôt celle – devant tellement de parti pris, de subjectivité passionnelle, de dilettantisme, d’intérêts inavoués… - de regarder objectivement de près, dans un esprit de liberté, tous les aspects importants, trop souvent méconnus ou dissimulés, de la biographie, de l’œuvre et des déclarations de R. Steiner, sans exclusive et sans intention de parvenir à une conclusion préconçue. (…)
L’existence du présent travail est en plein accord avec l’injonction, maintes fois répétée par R. Steiner : Ne me croyez pas sur parole, je vous donne simplement le récit de mes expériences ; notre société doit être une société de recherche pour ne pas être une secte. »
José Dupré invite le lecteur à approcher l’œuvre, ou les œuvres, de Steiner dans le contexte de l’époque et dans le tissu d’influences qui fut le sien. Il dégage cinq raisons d’étudier en profondeur, avec un esprit critique, les travaux anthroposophiques :
« 1- Le contenu de l’Anthroposophie apporte des points de vue et propose des démarches utiles, soit directement, soit par certaines réactions qu’il contribue à produire.
2 – La personnalité complexe de R. Steiner ne peut s’interpréter de manière univoque, mais doit être considérée sous divers aspects.
3 – Rudolf Steiner a fortement posé des questions essentielles concernant l’homme, la vie et le monde, dans une civilisation qui voulait les oublier.
4 – Son œuvre est un prodigieux carrefour documentaire, certes recomposé à sa convenance, mais que chacun est invité à considérer d’un regard neuf libre et prospectif.
5 – Si la croyance au corpus anthroposophique, pris comme une révélation assurée, est une voie fatale de pétrification du « croyant », l’effort de lucidité et d’autonomie, pour en démêler les composantes, est une occasion stimulante de croître en conscience et en liberté. »
Le lecteur ne peut que sortir impressionné, voire abasourdi, par l’ampleur des réalisations de Rudolf Steiner. Une puissance de travail exceptionnelle au service d’un esprit à la fois visionnaire et opportuniste aboutit à cette œuvre considérable, complexe, qui demanderait à être approchée hors de toute considération personnelle ou sentimentale :
« On l’aura compris, ce n’est pas dans les formes et dans les multiples – et parfois, à premières vues, séduisantes – manifestations anthroposophistes, que l’on trouvera, toutes offertes, les valeurs positives suggérées par l’action de Steiner. C’est dans le dynamisme de sa pensée, dans le mouvement tourné vers le vivant en tout domaine, dans l’invite à juger par soi-même de la réalité et de la qualité des choses, en deux mots, dans le niveau et la manière d’être face au monde, de le recevoir et d’agir envers lui, que l’on rencontrera peut-être le sillage vital de cette âme si intense. »
Le livre déplaira immanquablement à certains anthroposophes pourtant José Dupré sert sans conteste la cause de Rudolf Steiner. Plutôt que de faire de Steiner le prototype du « grand initié » moderne, il préfère en faire un exemple du véritable questeur qui refuse de laisser quoi que ce soit de ce monde et d’autres mondes éventuels lui rester étranger. Il le fait « plus qu’humain », plus complet, plus intense, que l’humain du courant encombré de ses croyances et préjugés.
A lire.

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