Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) nous a laissé une œuvre immense allant de la littérature aux écrits scientifiques. Nous nous souvenons bien sûr de son premier roman, Les souffrances du jeune Werther ou de son célèbre Faust. Laurent Bernard attire notre attention sur trois textes de Goethe qui l’associent à la littérature initiatique : Le Serpent vert (1795), Le Nouveau Pâris (1811) et La Nouvelle Mélusine (1817).
Le conte Le Nouveau Pâris est le sujet d’étude de ce livre qui éclaire la pensée initiatique de Goethe, Franc-maçon dès 1780, libre-penseur qui distinguait l’enseignement du Christ de l’édifice théologique de l’Eglise. Familier de plusieurs langues dont le grec ancien, le latin, l’hébreu, il s’intéressa à l’œuvre de Spinoza, au soufisme, à la kabbale, à l’alchimie, entre autres courants ou disciplines traditionnels.
D’une grande érudition, à la fois scientifique, philosophique et initiatique, Goethe se tourna naturellement vers le conte, avec ses emboîtements métaphoriques, pour aborder des sujets qui échappent à la pensée analytique, quitte même à détourner le mythe, ici celui de Pâris enlevant Hélène et déclenchant ainsi la guerre de Troie. Le détournement du mythe est subtil, par petits apports, pour conduire le lecteur dans l’incertitude et aborder d’autres rives que celles où conduit le mythe original.
Laurent Bernard demande au lecteur d’être attentif à ces subtilités pour approcher à la fois l’intention de Goethe et le chemin qu’il emprunte, de nature initiatique. Le conte fait écho à la fois à la démarche maçonnique et aux propositions de la kabbale. C’est surtout ce second aspect du texte que veut mettre en évidence Laurent Bernard. Chaque étape de l’aventure de Pâris évoque un temps du processus initiatique que la kabbale porte de manière magistrale. Parfois, ces étapes s’éclairent en se référant aux épisodes du cycle du Graal, autre expression puissante de la quête.
Les différents regards accordés au conte de Goethe mettent en évidence un voyage initiatique classique même si les images exposées peuvent être tout à fait originales afin d’alerter sur la présence d’éléments cachés qui viennent donner sens à l’histoire.
« Un conte, nous dit Laurent Bernard, selon l’auteur lui-même, doit toujours avoir une fonction qui le justifie, ne serait-ce que celle d’endormir les enfants ou de contribuer à l’éducation morale des sociétés. Par conséquent, l’efficacité d’un conte se mesure à l’effet qu’il produit sur les lecteurs et donc à sa capacité à solliciter leur intuition intellectuelle, source première de toute connaissance. Par conséquent, ce dont on peut être certain, c’est que dans Le Nouveau Pâris, comme dans les deux autres contes d’ailleurs, l’imagination de Goethe ne s’est pas exercée sans contrôle, mais en respectant au contraire des règles bien précises vivant un objectif déterminé. »
Avec ces trois contes, Goethe cherche, sinon à délivrer un enseignement initiatique, à indiquer les pistes qui permettent, à celui qui se montre suffisamment sagace, de rejoindre une voie initiatique par approfondissements successifs.
Source: La Lettre du Crocodile