Jan Kounen est le réalisateur du film Blueberry, à la fois western obéissant aux règles du genre et documentaire sur les effets de l’ayahuasca. Jan Kounen expérimente depuis près d’un quart de siècle ce psychotrope dans le cadre des cérémonies traditionnelles autour de l’ayahuasca, patrimoine national au Pérou.
A la fois thérapeutique et initiatique, le chemin de l’ayahuasca permet de s’affranchir du monde commun pour explorer d’autres dimensions de la conscience. Les guérisseurs shipibos ont préparé et accompagné Jan Kounen dans ce voyage.
Jan Kounen a fait le choix du roman graphique, à la limite de la BD, pour établir ce journal de bord construit à partir des dessins, peintures, réalisées au fil des expériences, dans des conditions plus ou moins adaptées. Le résultat est explosif, kaléidoscopique et plein d’enseignements, à la fois par les illustrations et par les commentaires avisés de l’auteur.
La valeur anthropologique, thérapeutique et initiatique de ce document qui vient compléter nombre des interventions et productions de l’auteur est certaine. Elle rend compte de voies traditionnelles qui perdurent depuis des siècles, souvent avec difficulté dans notre monde trop contraint, pour nous ramener tant à nous-mêmes qu’au réel, au-delà des réalités éphémères préconstruites.
Ce que nous désignons habituellement par ayahuasca est composé en réalité de deux éléments naturels, une liane, ayahusca, et la chacruna qui provoque les visions, cuits longuement, filtrés, pour donner une substance qualifiée de « médecine » car elle purifie le corps et l’esprit.
Jan Kounen rend compte en détail des possibilités offertes par le rituel de l’ayahuasca et notamment l’ouverture sur les mondes internes comme externes, l’association intime avec les puissances serpentines qui nous habitent et soutiennent les mondes. Comme avec d’autres substances, pensons à la mescaline ou à l’iboga, il s’agit d’une rencontre unique. Les plantes ou champignons ont leur propre identité et délivrent un enseignement, parfois une sagesse, en fonction de celui à qui ils s’adressent. Tous les organismes et tous les psychismes ne sont pas configurés pour de telles rencontres qui abolissent nos causalités comme nos temporalités, réorganisent les perceptions et le sens. Quelle est la réalité de la réalité ? Quelle est la nature de la réalité ? Ces questions demandent un approfondissement permanent favorisé par le rituel de l’ayahuasca. De nouvelles alliances se constituent loin, très loin, des représentations habituelles. La narration de soi-même se dissout laissant place à une inscription autre au sein de la nature et de l’univers.
Il y a dans ce chemin une véritable poésie de la vie, des éléments, une libération, l’établissement d’une nouvelle harmonie indépendante des conditions.
Il est entendu qu’il ne s’agit pas de se jeter sur le premier psychotrope venu. Un cadre traditionnel rigoureux, de plus en plus difficile à trouver étant donné le phénomène de mode, est indispensable pour que cette pratique soit féconde sur le plan thérapeutique comme spirituel.
Source: La Lettre du Crocodile