Spécialiste de l’art roman, Joseph Caccamo a déjà publié plusieurs ouvrages sur le sujet : Le Masculin et le féminin sacrés dans les églises romanes (Cosmogone, 2022) – La symbolique animale dans les églises romanes (Cosmogone, 2020) – Erotisme et église romane, dimension sacrée du Masculin et du Féminin (Bodicée, 2019) – Sources de l’art roman, 2 vol. (Editions 7 Ecrit, 2015).
Ce nouvel ouvrage, superbe, incontournable pour qui s’intéresse, réellement, au symbolisme, est davantage qu’une introduction à l’art roman, c’est un véritable enseignement qui véhicule à la fois une méthode d’investigation du symbole et une multitude de sources qui s’organisent en messages. Joseph Caccamo, invite à dépasser l’approche historico-technique ou l’approche culturelle pour se saisir d’une « dimension existentielle ».
« S’il existe, nous dit-il en introduction, un art dont la dimension essentielle est l’utilisation du symbole, c’est bien l’art roman. Il faut dire tout d’abord que, pour le fidèle du Moyen Âge, le symbole a une valeur non pas culturelle mais existentielle car il est mis au service d’un éveil, d’un enseignement, d’une remise en question, d’une pédagogie d’évolution spirituelle. L’écrit parle à l’intellect, l’image parle aux sens. La culture religieuse de la majorité des fidèles est une culture préfabriquée par les sermons, les commandements, les articles de foi et les dogmes qu’il serait impensable de remettre en question, si bien qu’ils pouvaient se dispenser de penser, d’autres pensaient pour eux. »
Le symbole n’est pas destiné à être commenté mais à provoquer un saisissement :
« Un tel enseignement ne consistait pas, en réalité, dans une interprétation précise d’un thème proposé mais, le symbole étant « un coup frappé à la porte de l’esprit », il était destiné à provoquer un choc émotionnel particulier à chaque individu, ou, pour le moins, une interrogation, une remise en question de ses habitudes de vie. »
Sommaire : Art roman et traces d’un savoir depuis longtemps disparu – Légende et histoire – Concepts de base – Le symbole – L’entrée – Le chemin des ténèbres vers la lumière – Ces monstres qui nous habitent – Levers de soleils – Comment la plante et l’animal nous aident à nous évader de la pesanteur – Le monde extérieur – Le culte de la Vierge Marie – Les « Notre-Dame » – L'église d'Avenas.
Les représentations que nous découvrons dans les églises romanes ont plusieurs sources. Parmi elles, se trouvent les écrits des Pères de l’Eglise mais il en existe d’autres, non chrétiennes.
« Ainsi, nous dit l’auteur, nous verrons que l’apport des religions et cultures antérieures ou parallèles au christianisme et ce qu’il a pu en rester dans les pratiques initiatiques qui se sont propagées dans le secret des forêts et des grottes dans tout le bassin méditerranéen pendant de longs siècles, surtout dans les campagnes, a été non négligeable et que c’est là que nous trouverons une réponse à maintes questions posées par cet art. »
Le message profond, initiatique, du symbolisme de l’art roman s’est retrouvé normé et confiné par une Eglise surtout soucieuse de réaliser et assurer ses objectifs politiques et sociaux. C’est en suivant les mythèmes depuis les cultures traditionnelles préchrétiennes jusqu’aux murs des églises romanes que Joseph Caccamo redonne vie aux symboles. Il prend ainsi appui sur ce que l’histoire et l’archéologie nous disent des contextes traversés pour remonter jusqu’à un enseignement dynamique qui se trouve sous nos yeux. C’est par exemple le cas avec les représentations des puissances serpentines, sirènes et autres ou des images de dévoration.
Abondamment illustré, ce livre nous fait revisiter les églises romanes pour en extraire la dimension initiatique, ésotérique, essentielle. Tout au long de l’ouvrage, Joseph Caccamo nous fait cheminer, nous conduit, dans les arcanes de cet art roman tout en nous éveillant à la beauté. L’église romane est un livre de pierre, un livre d’énigmes et de mystères qui appelle celui qui sait contempler à traverser les couches culturelles qui se surimposent à un sens immédiat, opératif, restaurateur de notre véritable nature.
A travers l’architecture et son évolution, c’est notre rapport au sacré qui est distingué dans sa complexité, dans ses héritages revendiqués ou dissimulés. Ainsi, Joseph Caccamo démontre comment l’initiation égyptienne antique se retrouve dans l’enseignement de l’église romane, mais ouvert à tous. Identités de sens ou identités de formes, simples rapprochements, jeux de miroirs, jeux d’échos, gestes ou regards qui orientent… tous ces éléments, et d’autres, s’organisent en une suite d’images qui éveillent et enseignent aussi bien l’exotérique que l’ésotérique. Les mythes, les légendes et les mystères rendent compte de l’invisible et de l’indicible qui ne cessent de nous solliciter, en attente de se manifester au sein de nos consciences.
« C’est pourquoi, suggère encore Joseph Caccamo, on peut dire que ‘église romane est un lieu et une occasion offerte d’initiation. Elle est aussi un lieu de guérison physique par les énergies de la terre et de guérison spirituelle par l’enseignement donné par les images. »
L’église romane est un lieu de reconnaissance, de réconciliation, avec soi-même, le monde, le divin, c’est un lieu de libération, véritable vaisseau qui conduit de la terre au ciel, de la matière à l’esprit libre.
Quelle que soit votre démarche, quel que soit le courant spirituel dans lequel vous vous inscrivez, y compris l’absence de courant, n’hésitez pas à vous procurer cet ouvrage. Il sera davantage qu’un outil de travail, il sera une opportunité de s’approprier une langue sacrée et secrète que nous avons tendance à oublier.
Source: La Lettre du Crocodile