Ce livre est caractéristique de la posture fermée d’une partie, importante et pesante, du Grand Orient de France, mais une partie seulement, heureusement, dans une approche strictement sociale et politique de la Franc-maçonnerie, au nom de la lutte contre l’obscurantisme, au nom de la raison.
Si ce combat est historiquement légitime, si la raison a toute sa place dans la pensée humaine, autant que le rêve, c’est malheureusement dans ce cas au prix de la perte de la dimension initiatique. Le symbole, entre autres, est ici réduit à un simple outil de communication, de reconnaissance, un code, pris dans l’illusion de « la neutralité du symbole », soit à sa réduction profane
Pour retrouver cette dimension initiatique, qui justifie le rite, quel qu’il soit, il faut attendre la dernière annexe, annexe 13, qui reproduit un échange entre Jean-Claude Nehr, Ludovic Marcos et Pierre Mollier, publié dans La Chaîne d’Union n°63, de janvier 2013, ces deux derniers s’évertuant de réintroduire un peu d’esprit, justement, ce qui manque cruellement à ce livre, à l’exact opposé, par exemple, des travaux remarquables d’Alain Mucchielli sur le Rite Français que nous avons présentés dans ces pages.
Le seul intérêt de ce livre est de retracer l’histoire des évolutions complexes du Rite Français, rite fondateur du Grand Orient de France.
Si le rite, s’appuyant sur l’esprit des Lumières, en se débarrassant des références religieuses, marque l’entrée de la Franc-maçonnerie dans la modernité, il va connaître de nombreuses mutations, accompagnant ou parfois courant après les évolutions de la société, avec des tentations de retour à une certaine spiritualité.
Gérard Contremoulin présente les neuf versions de ce rite apparues de 1858 à 1982, certaines ayant quitté le Grand Orient de France pour s’épanouir comme le Rite Français Traditionnel construit autour de René Guilly.
Se référant à Roëttiers de Montaleau, Gérard Contremoulin porte un regard lucide sur l’intérêt du Ve Ordre comme « espace d’échange entre tous les maçons de tous les rites ayant accompli l’ensemble du processus initiatique « de tous les systèmes physiques et métaphysiques ». Il ne croit guère à ce rassemblement. Pourtant les conditions n’ont jamais été si favorables tant les grandes métaphysiques non-dualistes et les sciences quantiques semblent de plus en plus proches.
Il manque à ce travail une évaluation de la pertinence de l’approche. En effet si le « faire » doit être privilégié devant « l’être », associations, ONG et autres mouvements à l’origine des changements sociétaux ou cherchant à les réguler semblent bien plus efficaces que la Franc-maçonnerie comme institution.
Reste la sincérité de l’engagement et le respect, ce qui n’est pas rien, que rappelle Gérard Contremoulin dans cet échange intéressant :
https://www.youtube.com/watch?v=Pw84vwfHOxU
Source: La Lettre du Crocodile