Ma fille du Ciel et de l’Enfer

Sylvie Dubal, peintre et auteur. Ses textes sont mis en scène régulièrement au théâtre. Avec ce livre, elle ouvre les portes closes de la psyché, en trois volets, sillonnant les chemins obscurs ou lumineux de la relation entre une mère et sa fille.

Le livre est structuré en trois parties : le propos de la mère, des lettres de la fille à sa mère, le journal intime de la fille.

Les écrits de la mère sont imprégnés de ses connaissances. Elle étudie les mythes et les légendes et plus particulièrement les représentations du diable. Impressions, souvenirs, analyses, tissent un étrange texte qui bouscule le lecteur :

« Dans les mystères du livre d’Adam, Rê qui reposait à l’intérieur… du chaos, souffrait de son impersonnalité. Plus tard, à défaut de réflexion, la croyance au fatum triompha. C’est alors que vaincu par le découragement, le dieu Rê se résigna à révéler son nom… Et Schéhérazade vit apparaître le matin.

Eh oui, j’ai travaillé à l’Armée du Salut. Recrutement à bicyclette. Convaincre les ivrognes de signer la tempérance. D’abord gentils, vite ils se gonflaient le job : « Moi, ancien buveur. » Ce qui me fit réfléchir sur la validité des signatures. »

Les liens mère-fille mais aussi les relations au sein de la famille tanguent, tendresse et violence, compréhension et rejet, cris et impossibilités à dire… toutes les difficultés de l’être contraint à exister. v Extrait d’une lettre de la fille à sa mère :

« A force de vouloir se protéger, on finit par se confondre au bouclier…

Je n’ai pas plus de Dieu que d’espoir en le genre humain… Tout se passe selon les règles d’un jeu, mais encore faudrait-il avoir des pions à jouer… Être dans le vrai, quelle aberration, mais quel excellent motif pour se taper joyeusement sur la gueule.

Chaque soir, mêmes promenades mélancoliques jusqu’à ma chère forêt de Sénart où je me perds et me réconforte. »

Le journal intime de la fille est intitulé Cahier d’une tortue. Ce sont les dits d’une désespérée :

« Mercredi. Partir n’est pas chose facile. La porte est là, j’étends le bras. Je suis décidée, mais une autre porte, ainsi de suite à n’en plus finir.

A tourner autour de moi-même, je finirai par me trouver. Hélas, cette ville est si grande que j’ai perdu ma trace.

Reconnaître une fois encore à quelle solitude il me faut répondre. »

Et ces derniers mots :

« Les mots m’échappent, ne résistent pas à la gloutonnerie du monstre qui m’habite.

Plus tard, on déguise sa folie, on retourne à ses sceaux. »

Il y a peu, y compris génétiquement, entre « folie » et créativité. La lecture de ce livre témoigne de cette possibilité toujours présente de passer de l’un à l’autre, possibilité fascinante mais reste la souffrance qu’il ne faut point oublier.

 La Lettre du Crocodile

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