L’ouvrage rigoureux de Dominique Vergnolle présente une synthèse augmentée et particulièrement argumentée de ce que nous savons sur la genèse et l’histoire du Régime Ecossais Rectifié et plus particulièrement sur sa classe chevaleresque et sa classe secrète.
L’auteur s’inscrit dans la continuité des recherches historiques importantes livrées depuis trois décennies par des spécialistes de la Franc-maçonnerie ou du RER en particulier. S’il ne bouleverse pas les connaissances sur le sujet, il précise ou confirme nombre de points grâce à l’apport exceptionnel du Fonds maçonnique Charles de Hesse conservé par la Grande Loge du Danemark et mis à la disposition de Dominique Vergnolle.
La correspondance entre Charles de Hesse et Jean-Baptiste Willermoz apporte de nombreuses informations sur les événements qui conduisirent à l’établissement du RER.
D’une manière plus générale, nous assistons à la naissance d’un ordre initiatique, à sa lente construction qui prend en compte des forces convergentes, d’autres divergentes et des contextes historiques et sociétaux mouvants. C’est une opportunité pour le lecteur de démystifier les ordres initiatiques, créations humaines complexes, plus ou moins inspirées, plus ou moins abouties, tout en reconnaissant leur fonction, leur intérêt, et le service qu’ils proposent.
En ce qui concerne spécifiquement le RER et l’Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, les difficultés rencontrées par Jean-Baptiste Willermoz pour mener à bien son projet initiatique de rectification ne font que mettre en évidence la réussite de ce projet caractérisé par une rare cohérence rituelle et doctrinale. Cette « nouvelle histoire » du RER soutient fortement la spécificité et l’intérêt du régime ou du rite.
Dominique Vergnolle met bien en évidence la double matrice du RER, la matrice templariste avec sa composante templière insistante et celle de la doctrine de la Réintégration de Martines de Pasqually et de son Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers. Jean-Baptiste Willermoz, membre éminent de l’Ordre fondé par Martines de Pasqually, fit de son régime un conservatoire de la doctrine de la Réintégration dans une perspective plus trinitaire et un cadre chevaleresque et maçonnique presque classique.
Dominique Vergnolle rappelle le contexte maçonnique de l’époque avant de retracer presque pas à pas les étapes qui menèrent à l’instauration du RER depuis les premiers pas de Jean-Baptiste Willermoz en Franc-maçonnerie. Les différents convents qui marquèrent ce processus sont étudiés dans le détail y compris les nombreux mouvements en coulisse. Les nombreuses questions qui entourent la classe secrète de la Grande Profession sont posées : instruction secrète, initiation secrète, positionnement, finalité… Tout comme le rapport délicat et souvent encore incompris au templarisme, entre renoncement à la prétention d’une filiation historique avec l’Ordre du Temple mais maintien de l’alliance avec l’archétype du Temple. La définition de la Bienfaisance initiatique, le sens du « Haut et Saint Ordre », de la « Cité Sainte », le choix des emblèmes de l’Ordre, la rédaction des rituels… rien ne fut simple et il fallut à Jean-Baptiste Willermoz une constance exceptionnelle pour mener à bien ce projet.
« Mais, comme le remarque si bien Pierre Mollier dans sa préface, derrière ces questions méthodologiques, il [le lecteur] pourra surtout découvrir la genèse d’un authentique mouvement d’ésotérisme chrétien. Martines de Pasqually, Willermoz, leurs disciples et leurs successeurs ont cherché, derrière la lettre, la lumière de l’esprit premier du christianisme. Le RER et ses quelques milliers d’adeptes témoignent de l’existence – inattendue et encore largement ignorée – d’un ésotérisme chrétien dans la France d’aujourd’hui. Les pages que l’on va lire sont une belle introduction à sa compréhension. »
Ce livre est non seulement bienvenu mais indispensable à qui veut comprendre, et peut-être connaître, le Régime Ecossais Rectifié dans toute ses dimensions spirituelles et sa profondeur initiatique.