La Bhagavad-Gîtâ traduite et commentée par Gandhi

Pour la première fois nous disposons en langue française du précieux travail du Mahatma Gandhi (1869 – 1948) sur l’un des textes essentiels du patrimoine de l’humanité, la Bhagavad-Gîtâ, soit le « Chant du Bienheureux ». Rappelons que ce texte met en scène, au milieu d’un conflit armé, l’enseignement de sagesse du dieu Krishna à Arjuna.

Gandhi va puiser dans ce texte les fondements de l’ahimsâ que nous connaissons comme « non-violence » avec des interprétations occidentales souvent erronées. La lecture de ce livre permet ainsi d’approcher la puissance de l’enseignement véhiculé par la Bhagavad-Gîtâ mais aussi de rétablir l’enseignement de Gandhi dans sa totale originalité.

C’est en 1927 que le Mahatma a traduit la Bhagavad-Gîtâ du sanskrit en gujurati et l’a commentée pour ses disciples de l’ashram Satyagraha d’Ahmedabad en Inde. Le texte fut traduit en anglais et la version française nous vient de l’anglais. Cependant, les traducteurs se sont référés au sanskrit chaque fois que cela leur a semblé nécessaire. Gandhi a voulu rendre la Bhagavad-Gîtâ accessible au plus grand nombre, il a surtout cherché à la rendre opérative au quotidien, génératrice de changements favorables au plus grand nombre.

Gandhi, se référant au Mahâbhârata, transpose d’emblée le conflit physique qui anime la Gîtâ en conflit intérieur, aussi bien chez l’individu qu’au cœur de l’humanité, en quête de l’« homme parfait » ou de l’« homme total », « semblable à Dieu ». Le sujet de la Bhagavad-Gîtâ insiste-t-il est bien la réalisation du Soi qui naît de « la renonciation aux fruits de l’action ». Il met en garde contre l’érudition, contre une connaissance sèche et stérile pour rappeler l’importance de la dévotion. Par dévotion, il ne se réfère pas aux pratiques dévotionnelles formelles mais à une ascèse intérieure : « Est un dévot [bkakta] celui qui ne jalouse personne, qui est une fontaine de pitié, qui est sans égoïsme, qui pardonne toujours, qui est toujours satisfait, dont les résolutions sont fermes, qui a dédié son esprit et son âme à Dieu, qui ne cause aucune contrainte, qui n’a pas peur des autres, qui est libre de l’exultation, affliction, et crainte, qui est pur, qui est engagé dans l’action et qui, malgré cela, reste non affecté par elle, qui renonce à tout fruit, bon ou mauvais, qui traite ami et ennemi d’une manière égale, qui n’est pas affecté par le respect et l’irrespect, qui n’est pas gonflé par la louange, qui ne s’emporte pas quand on parle mal de lui, qui aime le silence et la solitude, qui a une raison disciplinée. Une telle dévotion est incompatible avec l’existence quand il y a de forts attachements. » Nous voyons que ceci est impossible à réaliser dans une conscience duelle. Cette libération passe par l’action, mais une action détachée des fruits des causalités linéaires. « Celui qui abandonne l’action tombe, nous dit Gandhi. Celui qui n’abandonne que la récompense s’élève. »

Selon la Bhagavad-Gîtâ, renoncer, ce n’est pas se frustrer, c’est renoncer à « la spéculation sur les résultats », vivre dans « l’absence d’envie du fruit ». Pour Gandhi, la mise en pratique conduit nécessairement à la non-violence de l’ahimsa. Gandhi insiste sur le caractère non dogmatique de la Bhagavad-Gîtâ, sur la pluralité des sens porté par le texte, selon l’individu, le contexte, l’époque, sur sa dynamique restauratrice de l’être en son intégrité. Gandhi en parle comme d’un « poème religieux ». Le poème se révèle et révèle pour établir la reliance avec soi-même comme avec le monde.

 

 

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