La Kabbale dénouée de Jean-Charles Pichon

La rencontre de Jean-Charles Pichon, penseur de haut vol, avec la kabbale ne fut pas une évidence comme il le signale dès les premiers mots du livre :

« C’est bien souvent qu’au cours d’un séminaire ou d’une rencontre, l’un de mes auditeurs m’a demandé de lui expliquer la kabbale. Il ne pouvait comprendre que, m’étant attaqué aux Machines les plus hermétiques et les moins connues, de l’Odyssée à Jarry, je pusse négliger le splendide appareil de l’ésotérisme juif. »

Jean-Charles Pichon avance le manque d’inspiration ou la peur de l’échec pour reculer cette rencontre qui advint pourtant grâce à la métaphysique de Heidegger qui ne traite pourtant jamais de kabbale. « Le philosophe allemand m’a dénoué la Kabbale » confie-t-il.

Le « dénouement » est une science et un art. Jean-Charles Pichon distingue les solutions apportées à un problème dans un cycle donné, ce qu’il nomme les solutions in, des solutions apportées pour tous les cycles, des méta-solutions, qu’il nomme les solutions ex. Cette distinction, dans le dénouement, est pour lui la clef de l’ésotérisme universel.

Le « dénouement » avec ses deux sens principaux, celui du détachement (défaire le nœud) et celui de l’achèvement induit un dénouement intellectuel (le détachement) et un dénouement spirituel (le terme). Cependant, Jean-Charles Pichon met en garde : « Le double dénouement s’oppose à la fois à la perte et au retour. ».

Pour « ne pas perdre le fil » au cours du dénouement, en étudiant les perles qu’il porte, Jean-Charles Pichon ne perd jamais cette veille, intellectuelle et spirituelle, contre le risque de rupture ou de retour. En analysant les différentes « Machines pensantes » historiques de la Kabbale, depuis le Sepher Yetsira, Jean-Charles Pichon se concentre sur ce qui demeure, laissant de côté l’éphémère, le contextué. C’est là que Heidegger vient en appui avec « les quatre scissions par lesquelles Heidegger formule cela : le rapport du Temps à l’apparence, à la durée, au devoir, et à l’éternel devenir ». Il est remarquable que Jean-Charles Pichon, par Heidegger, rejoigne les grandes métaphysiques traditionnelles non-dualistes comme les travaux très actuels de certains scientifiques comme Philippe Guillemant.

Pour lui, la Machine de Heidegger et celle du Sepher Yetsira sont une seule machine. C’est dans la traversée sans fin des « apparaître » que « cela qui demeure » se laisse saisir :

« Il a été noté, nous dit Jean-Charles Pichon, que le dénouement-déliement n’est pas une rupture, car le fil demeure, et que le dénouement-terme n’est pas un retour, car une couleur différente succède à celle qui précéda, le Nouveau toujours à l’Ancien. Il faut aller plus loin : contrairement à ce que croit le mauvais cabaliste, le dénouement-terme fait rupture : lorsque l’objet physique finit, il n’est plus là, qu’il s’agisse d’une fleur ou d’un cycle ou du peuple. Mais le dénouement-déliement fait retour, car il n’est qu’une manière de dénouer la faveur qui liait le bouquet. »

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