Les mythes maçonniques revisités

Le travail de François Cavaignac, membre du Grand Orient de France, est ambitieux. Il veut éclairer les mythes fondateurs de la Franc-maçonnerie par la raison. Il considère le mythe comme « un défaut du développement de la raison », « le danger, poursuit-il, en est l’illusion apaisante qu’il peut procurer dans l’exercice réflexif ». Arc-bouté sur le dogme rationaliste et scientiste, il s’attaque bien sûr à l’approche d’un Gilbert Durand et de l’anthropologie de l’imaginaire comme à celle, pourtant plus classique, d’un Antoine Faivre. Il est aussi, finalement, dans le déni même de la fonction initiatique. François Cavaignac a privilégié dans son étude les mythes qui suivent : Euclide, Noé, Hiram, les deux colonnes antédiluviennes, la tour de Babel et le Temple de Salomon, trois personnages mythiques et trois constructions mythiques.

S’appuyant sur les références mythiques dans les grands textes fondateurs de la Franc-maçonnerie et sur les éléments de contextes, culturels, sociaux et politiques, il cherche à isoler les éléments, les confronter à l’histoire, suivre leur intégration, leur effacement et leur évolution, selon les circonstances. Le travail d’analyse est très argumenté, référencé, intéressant donc, mais François Cavaignac semble ignorer les fonctions opératives d’un mythe qui ne relève pas d’une cohérence rationnelle, par exemple, fonction de différenciation, fonction de structuration, fonction de restauration, fonction d’éveil…

En ne distinguant pas entre les différents niveaux logiques au sein des mythes, il en fait une lecture stérile. Mais après tout, c’est peut-être son objectif, assécher les mythes.

Cela n’empêche pas quelques idées intéressantes comme sur Babel. Il reprend en effet, sans le citer malheureusement, l’idée forte de George Steiner : « Babel est une chance. ». Et finalement, il ignore l’utilité du mythe de Salomon et de son Temple au sein de la Franc-maçonnerie. Sous prétexte de rationalité, de science et d’adogmatisme (pourquoi pas ?), nous avons là, sous le masque d’une neutralité revendiquée et malgré une ultime tentative de réconciliation entre science et imaginaire, comme à regrets, dans les dernières pages, un pamphlet banal contre le « spiritualisme » et contre l’initiation elle-même.

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