Nous attirons votre attention plus particulièrement sur cet ouvrage consacré à un artiste et penseur exceptionnel, le Professeur Cheng Man Ch’ing, calligraphe, poète, peintre, médecin et maître de Tai Chi Chuan. L’ouvrage intéressera non seulement ceux qui sont concernés directement par le taoïsme mais tous ceux qui cherchent à traverser les formes pour en saisir l’essence.
Ce livre est une anthologie partielle de textes du Professeur Cheng, une grande figure de la pensée chinoise du XXème siècle. Le choix opéré par Mark Hennessy couvre tous les domaines ou disciplines dans lesquels s’est exercé le maître, de la calligraphie aux alchimies internes.
Les cinq excellences se réfèrent aux cinq talents du Professeur Cheng qui toutes concourent à la compréhension de la nature du ch’i et à la recherche de la fluidité et de l’harmonie.
Dans son introduction, Mark Hennessy remarque que le développement du Tai Chi Chuan en Occident, notamment aux USA, a donné lieu à une profusion de publications, certaines sérieuses, d’autres fantaisistes. Il manquait toutefois les écrits de celui qui avait été à l’origine de ce développement aux USA, le Professeur Cheng, comme « épine dorsale des productions débridées publiées par les maîtres d’aujourd’hui ».
Mark Hennessy « invite le lecteur à relever la capacité de Cheng à unir des éléments de la vie souvent distincts et contradictoires. Ce qui nous permet d’abandonner les distinctions pour nous concentrer totalement sur un seul objectif : la vie ! ».
Après l’autobiographie d’un homme fort, l’ouvrage reprend les cinq arts du maître en cinq parties, art de la calligraphie, art de la poésie, art de la peinture, art de la médecine, art du Tai Chi auxquels s’ajoute un ultime chapitre consacré à la philosophie.
Cheng met en évidence le lien entre l’expression calligraphique et ce que nous sommes, appelant à une « auto-culture » et en insistant sur l’équilibre, la droiture le confort et la stabilité, « structures fondamentales » :
« Rejeter ces structures fondamentales crée une calligraphie acrobatique de seconde main qui vole vers le toit et marche sur les murs, ou qui est comme un voleur qui frôle les murs la nuit… L’homme noble ne mange pas de ce pain-là ! »
« La théorie calligraphique expose vos mots et l’écriture les révèle. Ces deux idées montrent votre caractère car il nous est impossible d’échapper à nos œuvres. »
Ce sont bien sûr les mêmes valeurs et principes que nous retrouverons dans chacun de ses arts. Ainsi sa poésie est traditionnelle car sans artifice et sans désir. Mark Hennessy rappelle que calligraphie, peinture et poésie sont indissociables :
« En Chine, la poésie seule n’était pas jugée suffisante. La calligraphie était étudiée pour susciter l’éveil susceptible de favoriser la bonne poésie ! Les poèmes pouvaient alors être intégrés dans la peinture, car la poésie de qualité générait sa propre peinture… »
« Les poèmes expriment votre esprit, dit Cheng, et on ne peut pas s’exprimer en totalité tant qu’on n’a pas étudié la poésie. Lire la poésie peut faire fructifier ces pensées inertes… Quand elles ont été éveillées, la poésie est idéale pour les exprimer! Aussi, après que vous ayez sérieusement étudié la poésie, vous pouvez laisser parler votre esprit… »
Calligraphie, poésie, peinture tendent vers la révélation ou l’expression de l’indifférencié, du simple, de l’essentiel, de l’unique. « Le Ciel se déploie d’un seul trait. », rappelle Cheng. Cette phrase « ne prend pas en compte les transformations du yin et du yang, seulement leur principe d’unité. ».
Nous retrouvons ce grand principe dans l’art de la médecine de Cheng. Il n’oppose pas médecine traditionnelle chinoise et médecine occidentale. Il reconnaît l’apport de cette dernière mais mesure aussi « les effets secondaires qu’elle engendre pour les patients ». Il voit dans un rapprochement entre les deux cultures médicales, une opportunité pour développer une médecine totale plus respectueuse de l’être.
Concernant le traitement du cancer, auquel il s’est consacré, il identifie avec prudence huit points importants qui posent la question de notre rapport à la maladie, qu’il soit personnel ou institutionnel. La prévention, trop étrangère à la culture médicale française, tient, dans sa pensée, une place essentielle.
Concernant le Tai Chi, Mark Hennessy a sélectionné quelques textes qui parleront davantage aux pratiquants comme : Une explication de « L’Ours constant », Introduction à L’enchaînement unifié et à la fonction du T’aichi Chuan de Yang Chen-fu, mais aussi « Les derniers mots sur le T’aichi Chuan » de Chen Man Ch’ing. Ce texte introduit le lecteur à la dernière partie de l’ouvrage consacrée à la philosophe de Cheng et notamment à une comparaison entre le pensée de Confucius et celle de Lao Tseu au regard du I Ching.
Nous trouvons aussi dans cette partie le Traité sur la Nature Originelle de l’Homme, rédigé dans les dernières années de sa vie, qui aborde la question du bien et du mal. Il dissipe les préjugés et les clichés, les fausses vérités et les simplifications toxiques.
« On a pu dire que « si un fou peut penser, il peut devenir un sage ; si un sage ne pense pas, il devient un fou. » Ceci renvoie à ceux qui peuvent encore changer… Si vous pouvez revenir d’une courte déviance en ayant maintenu le principe, les myriades de possibilités existent toujours ! Bien que votre développement soit graduel, le début du voyage est seulement à portée de pensée… Ceux qui souhaitent compléter leur bonne nature doivent s’observer quand ils sont seuls ! »
Homme exceptionnel et écrits exceptionnels. Les mots sont ici toujours ajustés à la queste qui n’est jamais perdue de vue.