Cet ouvrage est comme une méditation en miroir sur deux arts traditionnels japonais, aux sources chinoises, l’art du bonsaï et la calligraphie et leurs rencontres avec l’Occident. Ces deux arts sont une exaltation intime et élégante de ce qui fait signe, de l’essence de ce qui se présente et demeure. Ils ont acquis dans l’histoire une puissance symbolique exceptionnelle.
L’auteur décrit succinctement les techniques fondamentales de ces arts, leurs outils, sans les séparer de leurs dimensions philosophiques, poétiques et spirituelles. C’est un cheminement de l’intérieur vers l’extérieur. Toutefois, ces deux arts diffèrent en certains principes, ainsi, Michel Fornasero remarque :
« A la différence du calligraphe qui, à l’aide de ses instruments, donne vie à son travail, le bonsaïka accompagne la vie d’un arbre. Il vit son travail en couple. C’est un peu comme si l’on imaginait un duo de calligraphes qui, travaillant en même temps, sur la même œuvre serait obligé de tenir compte de la personnalité de l’« autre » pour élaborer sa création. »
Il introduit le lecteur à une vision du monde différente. Ainsi, pour le bonsaïka, « un lien n’est pas une contrainte mais un accompagnement », principe que l’on retrouve dans d’autres arts traditionnels, qui conditionne la permanence de l’harmonie naturelle.
A maintes reprises, l’auteur insiste sur le lien entre l’art et l’histoire. « L’évolution de l’art est en corrélation avec le contexte politico-historique. » Pour lui, il n’y a pas d’art hors de son temps. Mais, il évoque aussi une dimension transcendantale de l’art quand il aborde la question de l’art et de la spiritualité :
« L’harmonie spirituelle de l’artiste avec la Nature se manifestera dans l’invisibilité de son action. Cette qualité est hautement appréciée dans l’art japonais. La finesse poétique est reconnue dans l’humilité, le détachement et le mépris des choses tangibles. C’est donc son imperceptibilité qui constitue la meilleure marque de l’esprit humain. (…)
Ainsi, la traduction d’une force universelle se manifeste-t-elle dans l’esprit artistique à travers le prisme de la personnalité humaine, ce que Kandinsky nomme « l’art pur ». J’entends par force universelle ce que l’on peut nommer : « Origine de toute chose – Vide suprême – ou Dieu » suivant les croyances. Une force mystique ou métaphysique qui inspire la création artistique. (…)
L’imaginaire est un moyen artistique de connecter le spirituel au réel, l’infini au fini. Le pouvoir d’élaboration d’une image par l’artiste lui donne le substrat de sa création, mais il doit ensuite utiliser la technique qu’il maîtrise pour concrétiser son image. Ainsi l’artiste rend une conception issue du monde spirituel au monde réel. Dès lors, c’est ce qui rend l’œuvre d’art intemporelle, elle provient de l’infini et s’encre dans le fini.
L’artiste est un messager d’image spirituelle.»
Les propos sobres de Michel Fornasero conduisent à prêter attention, à contempler, à connaître. Un cahier iconographique soigné vient enrichir et appuyer sa pensée. Voyageur de l’art, artiste, il témoigne ici à la fois d’une profondeur et d’une élévation.