Alain Santacrteu a rassemblé et refondu dans ce volume les textes qui fondent et jalonnent l’expérience salutaire qu’il a nommé Contrelittérature, mot et concept qui, immédiatement, suscite le mouvement intellectuel, voire l’agitation. Il s’en explique :
« D’emblée ce néologisme écorche notre oreille littéraire. Pourtant le « contre « de « contrelittérature » doit s’entendre à plus hault sens, tel le contre-ut en musique, comme une élévation d’octave de la note ; ou, encore, selon la langue héraldique, quand le blason se trouve qualifié par un nom ou un adjectif précédé de cette préposition – contre-hermine, contre-vair, contre-fascé – contre-chevronné, etc. – qui induit une élévation des composants internes, disposés de part et d’autre comme les marches et contremarches autour du limon d’un escalier. »
La contrelittérature veut rétablir la littérature. Ce rétablissement, cette restauration passent par les gens de l’Être :
« Le combat de la contrelittérature est celui des gens de l’Être, à la fois extérieur, dans l’ordre temporel, contre l’horizontalité carcérale du monde moderne, mais aussi intérieur, spirituel, celui d’une remontée allégorique, à contre courant, du fleuve des immondices de la modernité jusqu’aux sources les plus pures de la naissance du roman occidental, du roman de cette époque romane qui est la littérature que la contrelittérature doit rétablir, ou plutôt récapituler. Pour les gens de l’Être, la Parole est la racine du monde, l’Alpha et l’Oméga des êtres et des choses. Ils croient en une dimension eschatologique du langage : ils sont le « petit reste » qui s’ouvre à l’œuvre de Celui qui doit venir en consolateur, en défenseur, en justicier. Les gens de l’Être sont les sujets du Verbe. »
Et de s’expliquer sur le titre choisi :
« Les Grecs disaient de certaines de leurs anciennes inscriptions qu’elles étaient écrites en boustrophédon, c’est-à-dire en tournant (strophé) comme un boeuf (bous) arrivé au bout du sillon et donc, alternativement, de gauche à droite et de droite à gauche. Les paysans du Midi appellent « talvera » cette partie du champ cultivé qui reste éternellement vierge – car c’est l’espace où tourne la charrue, à l’extrémité de chaque raie labourée. (…)
Cette notion de « talvera » représente une des virtualités métaphoriques les plus pures de la contrelittérature – qui est l’espace dialectique du renversement perpétuel du sens, de sa reprise infinie, de son éternel retournement. »
Ainsi nous voyons se dessiner la contrelittérature comme un mouvement serpentin en quête d’axialité. Il s’agit de faire de la littérature une voie d’éveil, que les lettres conduisent à l’Être. La contrelittérature apparaît dès lors comme une pratique qui engage la totalité de l’individu, dans une tension vers l’Esprit, non un jeu intellectuel pour satisfaire la personne.
Les gens de Tradition seront à l’aise dans les textes contrelittéraires qui appellent à une voie libertaire, cardiaque, amoureuse qui ne confond pas le symbole et la représentation, comme il est malheureusement convenu aujourd’hui, et qui sait la puissance de changement opératif de la métaphore. Si l’érudition évidente de l’auteur est bienvenue, ce n’est pas ce qui importe, sauf à se soumettre à la mondanité. De la « talvera » à « l’hostie féminine de Dieu », Alain Santacreu ne cède pas un pouce face aux exigences de la queste initiatique qui va du nom au Nom.
« La Germaneta de la Contrelittérature est la Dame qui nous transmet la Connaissance du Nom de Gloire. Elle déploie son tablier : ses deux mains tenant les pans représentent le bipôle de l’Esprit saint ( HH) ; puis, par le geste même de l’ouverture, de bas en haut, elle donne à voir le bipôle du Père-Fils (YW) ; enfin, les églantines au milieu du tablier dévoile le Fils incarné (Sh). Le Nom de Gloire s’inscrit sur le tablier dont la forme évoque le « circulus divin ». La gestuelle du miracle des roses est une mimographie sacrée du Nom divin : YHShWH. »
Un livre qui se pratique.
texte: Le Crocodile, https://lettreducrocodile.over-blog.net