Tablier et gants constituent deux symboles majeurs de la Franc-maçonnerie. Si l’importance du tablier est évidente pour tous, celle des gants étonnera beaucoup de membres de l’ordre maçonnique. Tablier et gants constituent deux points communs à tous les rites. Nul ne peut pénétrer le temple s’il n’en est revêtu.

Il manquait une étude consacrée spécifiquement à ce sujet. Cet essai d’analyse de deux symboles maçonniques vient donc combler un manque dans le domaine du symbolisme.
Le tablier et les gants font partie de l’uniforme maçonnique. Ils s’ajoutent au costume sombre, à la chemise blanche, à la cravate noire ou rouge pour la majorité des obédiences, à la robe pour quelques obédiences. La variété des tabliers, qui se multiplient dans les hauts grades, enrichit considérablement l’étude. Au contraire, les gants proposent des interprétations moins nombreuses mais qui méritent de retenir l’attention.
C’est en passant du monde opératif au monde spéculatif que la charge symbolique du tablier s’est développée. L’auteur étudie comment nous sommes passés d’un tablier de métier, fonctionnel, à un tablier symbolique. Le vêtement de travail est devenu support de méditation en même temps que signe d’un état supposé d’Apprenti, de Compagnon, de Maître. Comme le note Jean-Pierre Villeneuve, c’est sans doute le tablier blanc qui est le plus significatif, mais il est difficile d’en cerner avec certitude les significations possibles :
« La structure du tablier de l’Apprenti peut le plus souvent s’analyser comme un rectangle surmonté du triangle de la bavette, celle-ci couvrant en partie la poitrine. Sa forme est donc celle d’un pentagone irrégulier, et certains ont vu là une référence aux cinq sens, mais nous n’avons trouvé aucun élément susceptible d’étayer ce point de vue.
Plus pertinente paraît l’analyse déjà ancienne qui voit dans le rectangle une image de la quaternité, c’est-à-dire de la matérialité, et dans le triangle une expression du ternaire, c’est-à-dire de la spiritualité. Lorsque la bavette est relevée, le triangle est simplement juxtaposé au rectangle, il est une flèche montrant la direction du ciel, et on pourrait dire que le tablier dans son ensemble représente un certain état de l’homme, cet être terrestre qui voudrait aller au-delà de la terre.
Le développement de cette interprétation conduit évidemment à voir dans l’abaissement de la bavette une pénétration de l’esprit dans la matière en vue de la transformer – de la magnifier. Cela correspondrait à un stade plus avancé de l’évolution du cosmos en général et de l’homme en particulier, ce dernier étant désormais ouvert et sensible à l’influence du ciel.
Cette traduction de la forme du tablier, bavette relevée et bavette rabattue, est séduisante. Cependant elle ne nous convainc pas pleinement. »
L’auteur explore donc les différentes pistes offertes, s’appuyant tant sur l’histoire que sur la géométrie, le symbolisme ou l’hermétisme pour identifier des fondamentaux, par exemple la couleur blanche du tablier d’Apprenti et de Compagnon, et des données périphériques.
Insistons sur un chapitre fort intéressant dans lequel l’auteur s’intéresse au ventre. Dépassant les considérations habituelles, il considère le ventre comme demeure du serpent, puisant à la fois dans les traditions occidentales et orientales pour indiquer des aspects opératifs essentiels souvent oubliés en Franc-maçonnerie.
L’étude du symbolisme des gants est l’occasion pour l’auteur de d’intéresser à la fonction de la main, profane ou sacrée, et de son usage en Franc-maçonnerie, gantée ou dégantée. Il remet en cause la version bâclée d’Oswald Wirth concernant la remise de la seconde paire de gants au récipiendaire afin de la remettre à une femme de son choix :
« La proposition que nous faisons de voir une image de l’âme du Maçon dans la femme qu’il estime le plus ne nous paraît être qu’une application particulière de ces conceptions. L’âme ne dit jamais directement qu’elle est l’âme, car cela est une notion abstraite que l’inconscient ne sait pas exprimer. En outre, elle ne saurait prendre chez les Maçons l’apparence d’une figure divine, car la franc-maçonnerie n’est pas une religion. Pas davantage on ne saurait, de l’extérieur, imposer à l’initié le visage d’aucune femme réelle ou imaginaire, car il n’y aurait à peu près aucune chance que ce visage corresponde exactement à sa personnalité profonde. Alors, cette âme est tout simplement « la femme la plus estimée », ce qui, pris à la lettre, ne signifie pas grand-chose, mais permet d’expliquer superficiellement le don de la seconde paire de gants ou de la rose. »
Ce livre est matière à réflexion et à méditation. L’auteur ne propose aucune vérité mais varie les éclairages, met en perspective. C’est bien la fonction d’un essai, de mettre en mouvement la pensée et l’être.

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