Ce livre, très pédagogique, retrace l’histoire des persécutions orchestrées par le régime nazi contre la Franc-Maçonnerie dans le contexte plus général de l’anti-maçonnisme. Il complète donc de manière très utile la publication commentée, il y a quelques années, des 33 "Documents maçonniques" de l'époque du gouvernement de Vichy, comme du film Forces occultes, qui avaient servi la propagande anti-maçonnique de Vichy.

Sous le régime nazi, l’anti-maçonnisme est étroitement lié au développement de l’anti-sémitisme même si les positions maçonniques vis-à-vis de la question juive varièrent d’une obédience à l’autre, en Allemagne comme en France, voire au sein d’une même obédience. Cette association perdure aujourd’hui quand certaine organisation ultra-catholique dénonce le complot judéo-maçonnico-sataniste. Nous avons donc affaire à des constantes de l’anti-maçonnisme et de l’anti-sémitisme exacerbées par le contexte de la guerre et les visions fantasmatiques sur la race des dirigeants nazis.
La lutte contre la Franc-maçonnerie orchestrée par le IIIème Reich, avec la complicité avancée du gouvernement de Vichy fut nourrie de décennies d’anti-maçonnisme et d’anti-sémitisme, de l’affaire Taxil aux faux Protocoles des Sages de Sion. Didier Le Masson démontre l’enchaînement des haines jusqu’au paroxysme de la deuxième guerre mondiale. L’intérêt de la démonstration est de mettre en évidence la lente élaboration, les mouvements de croyances, la construction des préjugés et de nous permettre de comprendre que « cela » n’a rien d’exceptionnel et que « cela » pourrait très bien se reproduire sous une forme évidemment différente mais avec une même intensité.
Il est dommage que Didier Le Masson n’échappe pas au mythe des racines occultes et occultistes du nazisme. La société secrète est une organisation naturelle dans toutes les communautés humaines. Les sociétés secrètes sont criminelles, commerciales, financières, culturelles, humanistes, initiatiques… Tous les régimes politiques y font appel, des plus démocratiques aux plus totalitaires, de gauche comme de droite. Ce serait une erreur de vouloir chercher les racines du nazisme dans un occultisme de la race allemande très marginal et fort peu influent en réalité, inscrit dans des sociétés comme la Société Thulé ou dans l’influence supposée de mouvements qui davantage que des sources vives ne furent que des éléments conditionnés du décor. Nourrir un tel mythe permet d’ignorer la question de la réalité humaine et de ne pas chercher dans le psychisme humain commun les mécanismes de l’horreur.
Ce point mis à part, mineur par rapport à la valeur certaine de ce travail, et à discuter de toute manière, Didier Le Masson propose un ouvrage de grande qualité dont le caractère dépasse largement le cadre historique pour interroger ce qui fonde le comportement humain comme l’élaboration sociale et politique.

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