C'est un sujet peu traité et pourtant il est d'importance. Les larmes sont ainsi essentielles à certaines formes d'alchimie interne, par exemple dans l'orthodoxie. Mais, c'est dans le cadre de la tradition hébraïque que l'auteur, Catherine Chalier, philosophe, a poursuivi ses investigations, plus particulièrement de la tradition orale du judaïsme (Talmud et Midrach).

Catherine Chalier se demande, évoquant les larmes de Dieu, sur quoi l'Eternel pleure-t-il ? Les réponses ont multiples, du désespoir à la joie. Elles rendent compte de la complexité et de la richesse de la psyché humaine, mais elles sont aussi signes, ou marques, d'un chemin d'éveil :
" Les larmes peuvent alors, silencieusement, éveiller au sens d'une joie fragile, mais indestructible, d'une joie qu'il ne s'agit pas toutefois de penser comme devant, un jour lointain sans doute, succéder à l'affliction. Dans ce cas en effet, il s'agirait d'entretenir dans le coeur blessé des hommes, si souvent soumis à l'emprise de la tristesse et de la tragédie, un ultime espoir d'apaisement ou de consolation supposée devoir advenir dans le durée de cette vie ou au-delà.
Dans cette perspective, loin de ne signifier qu'une douleur à endurer en espérant une compensation à venir - ce qui laisserait supposer, de façon très contestable, que toute joie devrait au préalable payer son tribut à la souffrance -, les larmes seraient le signe, sur le visage humain, d'un éveil au plus haut secret qui habite chacun."
Et encore, la conclusion de l'auteur :
" Quand les larmes humaines attendent, de façon très déraisonnable à mesure humaine, que la vie soit délivrée des gangues amères et funestes qui la retiennent prisonnière, en soi ou en autrui, comme en chaque créature, n'est-ce pas toujours dans l'espérance d'une joie encore indicible, celle de l'ultime rencontre, qu'elles montent, solitaires, invincibles ? Il arrive certes très souvent que les hommes pleurent sans savoir qu'ils espèrent, voire en le refusant de toutes leurs forces émotionnelles et intellectuelles. Il arrive aussi que la parole d'espérance soit plus indécente que la parole de pure compassion quand le malheur a frappé autrui. Mais quand les uns et les autres découvrent l'eau de la rosée du matin, traditionnellement associée à l'éveil et à la résurrection, ne se réjouissent-ils pas ? Ce frêle bonheur, ce tremblement devant l'espérance de vie, dans leur pure nudité, les larmes humaines le font parfois éprouver. "
Ce livre, très érudit, n'en est pas moins empli de poésie. Il existe un don des larmes, il existe une fonction des larmes, il existe aussi une magie et une poésie des larmes.

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