Ce livre restitue la rencontre profonde entre deux êtres dans le contexte difficile que nous connaissons aujourd'hui, celle de Mohammed Talbi, grand historien tunisien dont la pensée se situe au croisement de la tradition islamique et de la tradition de la raison moderne occidentale, et de Gwendoline Jarczyk, philosophe, qui l'interroge.
Ce dialogue nous permet de côtoyer quelques penseurs majeurs, Averroès, Avicenne, ou de grands mystiques soufis et de mieux saisir la profondeur de l'Islam et la gravité du drame qui se joue en ce moment même, gravité qui met en évidence l'urgence d'un dialogue entre Occident et Orient, dialogue qui est inscrit dans le Coran lui-même :
Mohammed Talbi : " Par sa tradition, qui le relie à Abraham et à Ismaël, le Coran est comme tel un dialogue avec tous les hommes. A commencer par les athées, car il y en eut de tout temps, et les polythéistes de La Mecque : voilà un premier groupe. Un deuxième groupe sous le nom de " gens du Livre ", rassemble les juifs et les chrétiens. Le Coran est donc aussi en dialogue avec ce monde-là. Il se présente en outre et de façon plus large comme dialogue avec l'homme en tant qu'homme, sans que soit fait mention d'une religion quelconque, bref avec tout homme et n'importe lequel. A cet homme, le Coran déclare : " Souviens-toi ", en le renvoyant à l'alliance fondamentale nouée avec Dieu, au niveau ontologique. Et de même : " Lis les signes " - le dialogue étant toujours une invitation à lire les signes de Dieu dans la réalité de l'univers. Mais il est vrai que le Coran entend engager un dialogue spécifique avec les thèses athéistes et polythéistes, de même qu'avec les juifs et les chrétiens à propos de leurs dogmes respectifs. Un exemple : " Les chrétiens disent "Dieu est trois", dis ! " - " Les juifs disent "Nous avons crucifié Jésus", dis ! " C'est donc là un dialogue qui se déroule à partir des thèses développées par les gens du Livre. Ainsi tout le Coran est-il dialogue, et le dialogue est proprement constitutif du Coran, avec une déontologie qui lui est propre, celle de la plus grande courtoisie. Dialogue donc et éthique du dialogue. "
On le comprend, ce livre ne traite pas que de spiritualité mais aussi de politique et de culture, tant ces trois domaines sont constitutifs de la crise actuelle dont nous mesurons mal les conséquences imprévisibles. Mohammed Talbi, d'une très grande lucidité, ne fait aucune concession à notre monde et à ses principaux acteurs, et nous délivre une leçon d'humanité.