Michel Fromaget prend acte de notre enlisement dans une vision dualiste corps-âme qui aliène intelligence et liberté. Face à cette aliénation générale, il propose de renouer avec le ternaire Corps-Âme-Esprit afin de saisir les enjeux de la tragédie que nous vivons et de nous réorienter vers un nouveau paradigme.

Si le développement proposé par Michel Fromaget se nourrit particulièrement de la pensée de Nicolas Berdiaev, il fait aussi référence à d’autres auteurs et d’autres traditions, chrétiennes comme non-chrétiennes.

Michel Fromager commence par exposer les principes et la structure de l’anthropologie ternaire chrétienne. Si les mots « corps, âme, esprit » nous sont familiers, le sens que nous leur attribuons est souvent vague, y compris pour ce corps que nous ne savons pas penser, tout comme nous peinons à penser le « vivant ». Cette vision ternaire conduit à envisager deux naissances, l’une, biologique, associée au corps et à l’âme, imposée de fait, l’autre qui demande une actualisation de l’esprit.

Michel Fromager insiste : « tout homme faisant le choix tragique de ne vivre que partiellement, en son corps et son âme, se condamne ainsi mathématiquement à mourir. Car, redisons-le, la vie propre au composé bio-psychique n’est pas immortelle. Pour hériter de la vie immortelle qui lui est destinée de toute éternité, vie qui cette fois est Libre, Totale, Absolue et Eternelle, l’homme doit actualiser son esprit, il doit le mettre en acte, c’est-à-dire passer par une sorte de seconde naissance. Naissance qu’il est légitime de comparer en bien des points aux métamorphoses que connaissent certaines espèces animales. »

L’immortalité est ainsi une possibilité, un choix, une proposition offerte à l’être humain. Cette conception d’une immortalité « optionnelle » est inscrite dans le christianisme primitif. 

L’originalité de la pensée de Michel Fromaget tient en particulier dans l’application de cette vision à la vie quotidienne pour actualiser l’Esprit, « s’éveiller à notre intériorité » et autoriser la métamorphose attendue.

L’ouvrage présente les « Expressions néo-testamentaires et patristiques de l’anthropologie ternaire » et « L’anthropologie spirituelle, Corps, Âme, Esprit dans les traditions non chrétiennes » : tripartition dans la tradition égyptienne, tripartition grecque, tripartition romaine mais aussi chez les gnostiques ou encore dans le Judaïsme, l’Islam et les grands courants orientaux. Nous avons ainsi une permanence ternaire même si elle est parfois, trop souvent sans doute, malmenée par les cultures religieuses comme profanes.

C’est avec Nicolas Berdiaev que Michel Fromaget nous conduit de ce ternaire à un autre : Liberté, Vérité, Beauté, cette Beauté qui préserve et révèle un mystère

« De ce mystère formidable, conclut-il, faisant que la Beauté est ici-bas dans notre monde déchu, la trace ou la prémisse, l’indice de la promesse du monde qui nous attend, pour peu que nous consentions, à la faveur d’une seconde naissance, à naître enfin à nous-même. »

Source: La lettre du crocodile