Vie, mort, vie encore : le Grand-Guignol obsédé par la visibilité des seuils
« Pulsion scopique », « paradigme hypnotique », « théâtre médical » : dix années après la visite de Sigmund Freud au chef de neurologie de la Pitié Salpêtrière, Jean-Martin Charcot, naissait, en 1897, impasse Chaptal à Paris, le Théâtre du Grand-Guignol. Une nouvelle forme de théâtre, qui fit alors sensation (cela, jusqu’en 1930), et qui se proposait de transgresser tous les seuils tant sociaux, moraux que physiologiques. Son mot d’ordre : dès lors que la science est en jeu, le savant a tous les droits. Même celui de faire revenir les morts.
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Mais derrière le vernis de l’irrationnel, du sensationnel et de l’horrifique émerge parfois une réalité plus subtile et même avant-gardiste.
« Si le mystère du vivant est inviolable, le Grand-Guignol flirte toujours avec le sacrilège »
Pauline Picot présente ici l'étude croisée de deux drames qui ont marqué l’histoire du Grand-Guignol : L'Horrible expérience d'Alfred Binet & André de Lorde (1909) et Vers l'au-delà de Charles Hellem & Pol d'Estoc (1922). Structurée chacune autour d'une scène fondamentale qui représente, pour l'une, le passage de la mort à la vie et, pour l'autre, inversement, celui de la vie à la mort, ces deux œuvres constituent un double tableau (diptyque) et un même franchissement des seuils invisibles.
Avec l’aide de trucages qui produisent des images frappantes (nous sommes alors aussi au début du cinématographe) : les sons, la parole suggèrent bien plus qu’ils ne montrent. Le sens de l'ouïe, et sa force de capacités imaginatives utilisé comme amplificateur du sentiment hypnotique, cathartique.
Ce faisant, ces deux drames réactivent également les fantasmes liés à d'autres invisibles et obsessions de ce XIXe siècle : la survie de l'âme humaine, le mystère de l’électricité (capable de ramener un défunt à la vie), l'intérieur mystérieux du corps humain neurologie, psychologie et inconscient….
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Exposé issu du colloque : Raconter et montrer l'Invisible à la croisée de la littérature, des arts de la scène et du cinéma (1850-1930), août 2024. Direction scientifique : Julie Anselmini, Yann Calvet et José Moure. Réalisé avec le soutien de :
• UFR "Humanités et Sciences Sociales" (HSS) | Université de Caen Normandie
• Laboratoire "Lettres, Arts du Spectacle, Langues Romanes" (LASLAR - UR 4256) | Université de Caen Normandie
• Institut "Arts Créations Théories Esthétique" (ACTE - UR 7539) | Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
• Caen la mer Normandie