Exposition Alberto Giacometti

Nous croyons tous connaître Alberto Giacometti (1901-1966) à travers quelques-unes de ses sculptures d’après-guerre ou de quelques peintures saisissantes.

Pourtant, l’œuvre et l’homme ne cessent de nous échapper pour nous conduire au plus près de nous-mêmes. C’est pourquoi, il convient de fréquenter l’Institut Giacometti installé dans un hôtel particulier de la rue Victor-Schoelcher, classé de style Art Déco, ancien atelier de l’artiste-décorateur Paul Follot. L’immeuble accueillait l’atelier de Giacometti, désormais reconstitué grâce à son épouse Annette Giacometti.

Murs peints, accueillant des dessins du créateur, mobilier simple, dont le lit, œuvres en plâtre ou en terre, certaines inconnues du public, outils divers… édifient une intimité touchante avec l’artiste. Même si cet atelier devenu mythique par les nombreux clichés réalisés, notamment par Doisneau, et quelques documentaires, peut nous sembler familier, la proximité avec l’atelier touche le visiteur qui pénètre au 5 rue Victor-Schoelcher.

L’immeuble, restauré avec élégance par l’architecte Pascal Grasso, est un écrin idéal pour l’œuvre de Giacometti.

A plusieurs reprises, l’Institut a proposé des expositions en miroir. A côté d’expositions recherchant les sources, voire les matrices de Giacometti, comme celle consacrée en 2021 à Giacometti et l’Egypte Antique, des expositions Alberto Giacometti-André Breton, Giacometti-Barbara Chase-Riboud, Giacometti-Beckett, furent proposer au public en attendant une exposition Giacometti-Dali annoncée pour cet hiver.

Parentés des œuvres, amitiés, discontinuités créatrices, jeux de miroirs révélateurs, éclairent certains traits de la vie et de l’œuvre de Giacometti et des nombreux courants qu’il a traversés : cubisme, surréalisme bien sûr, philosophies existentialistes (Giacometti rencontre Sartre de 1939 à 1941), ou autres. Giacometti se laisse porter pour très rapidement s’esquiver, se laisser tenter par les marges des marges.

L’exposition de l’automne 2022 obéit au principe du miroir entre deux œuvres. Sophie Ristelhueber, photographe, explore les cicatrices et les ruines laissées par l’action des êtres humains en guerre ou par la puissance dévastatrice de la nature. Elle partage avec Giacometti le souci de la mémoire familiale, lieux et membres de la famille. Elle met en perspective le village d’origine de Giacometti, Stampa, qui resta pour lui une ancre parfois salvatrice, et sa propre maison de famille, située à Vulaines. Ces reflets croisés dévient la lumière sur des aspects précis de l’œuvre de Giacometti, la mort tout d’abord, le temps, la mémoire. Les réels, fragmentés et dispersés, ne sont pas recomposés mais seulement suggérés par la juxtaposition des œuvres, parfois leur pénétration, se jouant des effets temporels. Le face à face improbable avec Sophie Ristelhueber met en évidence comment Giacometti fait surgir la matière pétrie, parfois torturée, de l’être au-dessus de la peau de l’apparaître. C’est peut-être là ce qui nous bouleverse chez lui.

Grâce à Hugo Daniel, commissaire de l’exposition, le dialogue silencieux entre les deux artistes fait sens jusqu’à devenir bruyant d’intimité, non seulement celles, conjointes, des artistes mais aussi la nôtre.

 

Source: La Lettre du Crocodi

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