Que faire… en Loge

Cécile Ravauger a déjà publié chez Dervy, en 2018, un excellent ouvrage consacré à La Longue Marche des Francs-maçonnes. Malgré le titre de ce nouvel opus, ce n’est pas la dimension réellement initiatique de la Franc-maçonnerie qui est traitée dans cet ouvrage tout à fait intéressant qui offre plutôt une approche historique et sociologique de la Franc-maçonnerie en sa diversité, telle qu’elle se donne à voir au travers de ses archives, plus exactement des archives de ses loges.

La grande originalité de ce travail très conséquent est en effet son entrée par le local, soit les loges, qui sont le fondement de l’ordre maçonnique, plutôt que les obédiences ou les rites, sujets habituels des historiens de la Franc-maçonnerie.

Pierre Mollier remarque dans son avant-propos que nous avons tendance à envisager la Franc-maçonnerie d’aujourd’hui comme répliquant les fonctionnements des loges du passé, or il n’en est rien. Selon les temps et les lieux, la Franc-maçonnerie s’est exprimée différemment s’adaptant aux cultures et aux événements qui souvent sont venus la bousculer.

L’ouvrage aborde la vie des loges à travers le temps, presque au quotidien, de certaines loges choisies de manière certes non exhaustive, ce serait impossible, mais afin de rendre compte des diverses mises en œuvre du projet maçonnique.

Cécile Ravauger traite successivement de l’identité de la loge (titres distinctifs, choix des membres, parrainages, enquêtes, réceptions, adoptions, admission des sœurs, choix du rituel…), de la gestion du temps, des planches ou de leur absence, des relations de la loge avec l’obédience ou avec les hauts-grades, des relations entre loges, des notions de bienfaisance et solidarité, de l’engagement social et politique des loges, des relations avec la cité.

Elle cherche ainsi à faire revivre les loges sous nos yeux à partir des documents et témoignages étudiés, à la fois dans leurs mécanismes internes et dans leurs relations avec l’extérieur. En comparant les vies de loges essentiellement américaines, britanniques et françaises (du Grand Orient de France), Cécile Ravauger démontre, de manière non idéalisée, les évolutions continuelles, les adaptations nécessaires, les confrontations inévitables, et dégage les permanences qui font la force des loges et la pérennité de la Franc-maçonnerie : les liens de fraternité, le sens du questionnement, l’ouverture à l’autre et au monde, les valeurs maçonniques :

« L’histoire d’en bas, confie-t-elle, nous montre que l’identité d’une loge n’est jamais figée au cours des années, même si deux cents ans se sont parfois écoulés depuis sa fondation, mais dépend étroitement à la fois du contexte et des membres qui la composent. La loge est un organisme vivant, sans cesse en évolution – là sont à la fois sa fragilité et sa force. La cohésion de ses membres n’est jamais acquise, elle doit se gagner à chaque instant. Contrairement à tous les réseaux sociaux, c’est la présence des frères et sœurs qui fait vivre la loge, ce sont leurs regards échangés, la parole qui se distribue et circule du nord au sud en passant par l’orient et l’occident, la fraternité et la complicité qui se construit pas à pas. »

La Franc-maçonnerie souffre de la crise actuelle. Une fois encore elle traversera les remous, non par ses obédiences mais par ses loges.

« Chaque loge est unique, aucune loge n’est banale. » conclut avec beaucoup de justesse Cécile Ravauger.

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