Chaque numéro du Miroir d’Isis est excellent. Celui-ci ne déroge pas à la règle et propose plusieurs contributions très importantes.
Parlons tout d’abord du texte de Pere Sanchez Ferré Orient et Occident dans la tradition hermétique. Si nous ne partageons pas toute la vision de l’auteur sur l’Orient, sa réflexion sur l’hermétisme nous semble très pertinente.
Sur la question de l’Orient, rappelons simplement que l’hindouisme est une création purement politique du colonisateur anglais (le mot a d’ailleurs été construit à partir de l’arabe) et ne prend pas en compte le monde complexe et protéiforme des multiples traditions de l’Inde, la plupart d’ailleurs encore inconnues des occidentaux. Il en est de même du bouddhisme qui en réalité n’existe pas, il y a de nombreux bouddhismes, y compris en Occident, fort différents les uns des autres, même si le seul bouddhisme tibétain, d’ailleurs minoritaire, est médiatisé.
Pere Sanchez Ferré oppose deux spiritualités, l’une dissolvante, l’autre coagulante, la première qu’il associe, à tort selon nous, à l’Orient occidentalisé, la seconde à l’hermétisme occidental, mais l’important est ce qu’il exprime de la spiritualité coagulante :
« La tradition hermétique occidentale nous propose non seulement d’atteindre l’état mystique de dissolution dans l’Absolu ou la Grande Âme du Monde, mais également d’arriver à la fixer. Ce qui revient à dire l’incarnation de la divinité en nous. Cela demande évidemment l’acquisition d’un corps de lumière. Cependant, c’est Dieu qui réalisera cette Œuvre en nous, œuvre qu’il nous est impossible de réaliser sans son intervention. (…)
La première possibilité, comme nous l’avons vu, suppose que l’âme individuelle réintègre l’Âme du Monde et disparaisse pour toujours en tant que telle (« redevenir non né »), car elle va perdre la conscience individuelle. C’est la voie de la dissolution dans le grand tout universel. La seconde voie consiste à « naître deux fois », c’est-à-dire à recevoir la vraie initiation (en termes chrétiens, la bénédiction), qui nous permettra de ne pas nous dissoudre, mais plutôt d’incarner ou de coaguler le ciel en nous, avec l’aide de Dieu.
Toutefois, la voie de la dissolution hermétique est, en fait, la première étape de notre régénération complète. Elle peut mener à la vraie sainteté, ici, dès ce monde, parce que cette dissolution n’est qu’intérieure. Alors que la dissolution post mortem dans la Mer Universelle constitue sans doute une libération, mais suppose la perte totale de la conscience individuelle, le véritable moi. »
Les extraits de la correspondance de Louis Cattiaux et Emmanuel d’Hooghvorst ou d’écrits de Louis Cattiaux à ses amis sont une fois de plus d’un grand intérêt.
Exemple :
« Pour comprendre ce que peut être la nature du breuvage d’Immortalité ou Pierre Philosophale, il faut bien méditer sur les causes de la dégénérescence de l’homme et sur la Nature même, car il est impossible de connaître le remède sans connaître la maladie. Lorsque vous mangez du pain, vous êtes nourris, quelles que soient les dispositions psychiques ou spirituelles dans lesquelles vous vous trouvez, car alors la nature fait son office et produit ses effets. Seulement, il se produit ceci, en ce qui concerne le pain des immortels, que c’est lui qui nous digère et nous transforme en lui, au lieu que pour le pain vulgaire, c’est nous qui le digérons et le transformons en notre propre substance. »
Egalement au sommaire ce de numéro, signalons une belle Introduction à la lecture du Saint Coran par Claude Froidebise, une autre Introduction à l’Alchimie intérieure selon le Taoïsme de Jordi Vilà i Oliveras, un texte de Catherine de Laveleye consacré à La Parole perdue selon Henry Corbin et beaucoup d’autres contributions passionnantes pour, comme nous y invite en toute urgence Clément Rosereau, « se ruer dans la quête ».