L’Inaccessible Etoile. Du profane au Franc-Maçon

Ce premier livre de Frédéric Pinson-Meilhac est une sorte de docu-roman d’immersion au sein de la Franc-maçonnerie, un journal intime maçonnique, témoignage très personnel qui évoque au-delà de l’expérience maçonnique elle-même, la vie intérieure d’un homme dans le monde troublé et troublant d’aujourd’hui.

L’intérêt de ce livre, qui se lit facilement grâce à l’écriture fluide et au regard alerte de l’auteur, capable aussi d’autodérision, est sans doute de replacer la démarche maçonnique au cœur de la vie quotidienne et de l’histoire d’une personne. Loin d’un essai sur le symbolisme, la structure ou l’histoire maçonnique, ce témoignage nous rappelle que la rencontre avec la Franc-maçonnerie ne va pas de soi et s’inscrit dans un parcours de vie.

Le propos, tantôt distancié, tantôt collé à la vie, en dit long sur les conditions, incidents, accidents, opportunités qui font d’un profane un Franc-maçon. Si, le temps et l’espace maçonniques constituent une parenthèse pendant laquelle chacun peut se rapprocher de soi-même, une fois sortie de cette parenthèse, le Franc-maçon au sein de sa famille, dans son milieu professionnel, au cœur du monde est confronté à l’écart parfois violent entre un idéal et un quotidien obscur, entre l’être et la tenaille de l’avoir et du faire.

Ce témoignage contribue à une nécessaire réflexion sur la préparation du profane et l’accompagnement du Franc-maçon trop souvent laissé seul avec les multiples contradictions que le processus initiatique ne manque pas de faire émerger, parfois dans des situations tragiques.

Frédéric Pinson-Meilhac rend compte d’un moment tout à la fois empli de gravité et de profondeur, un moment finalement banal, lot quotidien des êtres humains, et pourtant révélateur de la complexité humaine comme de la justesse des valeurs humanistes. Un frère qui n’a pu s’exprimer, visiblement dans un grand malaise, prend en définitive la parole lors des agapes :

- « Pardonnez mon émotion mes frères, pour tout vous dire, aujourd’hui, je ne souhaitais pas venir à notre tenue ce soir et encore moins rester à l’Agape. Aujourd’hui, ça a été une très mauvaise journée en apprenant une grave nouvelle. Ma femme a eu la confirmation qu’elle était atteinte d’une sale maladie. Le pire, c’est qu’en sortant de chez le toubib, j’étais plus mal qu’elle ! En fait, c’est elle qui m’a poussé à venir en tenue et j’ai lâchement dit oui. Mais là, avec vous, j’ai ressassé pendant toute la tenue, me reprochant de l’avoir laissée seule, vous comprenez ?

L’ensemble de l’assistance restait silencieuse dans l’attente respectueuse de la suite du discours de ce frère. J’avais l’étrange sentiment que tous le portaient. Chacun prenait ainsi la part qu’il pouvait des problèmes de cet homme.

- Curieusement, reprit-il, avant de passer à table, je l’ai eue au téléphone, je lui ai indiqué ma gêne, elle a insisté pour que je reste et savez-vous ce qu’elle m’a dit, mes frères ? Bien sûr, personne n’en avait la moindre idée.

- Et bien, elle m’a dit : reste mon chéri, tu es bien avec eux et sans doute, grâce à cette soirée, tu iras mieux toi aussi. Le fait de te retrouver après, m’apportera un vrai rayon de soleil. » C’est peut-être cette dernière phrase qui, à elle seule, peut justifier la vaste entreprise maçonnique, rappelant la fonction ultime de cette institution à vocation initiatique.

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