Jean Klein (1912-1998) est une figure essentielle des philosophies non-dualistes. Il fut, il est devrait-on dire dans une perspective non-duelle, celui qui a au cours du XXème siècle ouvert la brèche dans l’opacité dualiste, nous permettant de renouer avec des approches non seulement orientales mais profondément occidentales, malgré la chape de plomb dualiste qui pèse depuis deux millénaires sur l’Occident.

Nita Klein, sa fille, n’a pas manqué d’être imprégné par cet art de l’être. Son témoignage, son regard, nous intéresse, non seulement par ce qu’il nous dit de l’être et de l’enseignement de son père mais dans ce qu’il nous livre aussi d’elle-même, aux sources de l’art.
« Lorsque nous observons avec attention, confiait Jean Klein, nous découvrons non pas l’absence que nous escomptions mais une Présence, une Présence qui ne peut cependant « s’objectifier ». Elle est trop proche, au plus près de nous.

Jusqu’à ce que nous découvrions, avant l’éveil du corps le matin, que nous sommes cette présence : la « Présence » est déjà là.
Ce que nous sommes est au-delà du temps et de l’espace.
C’est l’éveil de la vie, et cet éveil est notre réelle naissance.
La naissance phénoménale n’est qu’un accident et le demeure aussi longtemps que notre nature réelle, notre naissance réelle, reste inexplorée. On ne peut jamais connaître ce qu’est la vie, on ne peut qu’être la vie, être ce qui connaît.
En l’absence de « moi », il y a seulement la vie. Ici, maintenant, dans l’instant même. »
L’art, et c’est peut-être la finalité essentielle des avant-gardes, conduit en son dépouillement extrême, en la nudité de l’artiste, à la conscience non-duelle. En renversant la vision habituelle du comédien, qui voudrait qu’il s’empare du rôle, Jean Klein veut laisser le rôle s’installer dans le silence, l’immobilité, l’abandon et le vide. C’est le rapport à l’expérience qu’il renverse. Il invite à un rapport non identifié, non impliqué, intrinsèquement libre.

La danse, le dessin, le théâtre, le chant, la musique pointent toujours l’ultime. C’est une question d’attention.
« Ta danse, dit-il, est aussi un dessin sur la feuille de l’espace, qui est un accueil immuable. Elle trace.
La mémoire ne doit pas intervenir dans le déploiement du geste, il ne doit y avoir aucune intention, aucune volonté, le corps est agi. (…)
- Comprends qu’il ne doit pas y avoir de but anticipé vers lequel tu tends, ainsi, des mouvements de ton corps ; chaque instant est un but en soi, chaque geste pointe le présent ; la poursuite d’une finalité ne concerne que le moi, avec sa charge affective, ses désirs, ses craintes. Dans une compréhension lucide, il y a seulement présence au manifesté, dégagé du dynamisme qui se déploie horizontalement entre l’avoir et le devenir. Dans le vertical-présent, sensations, pensées, actions se déroulent en nous et nous restons en permanence conscients de cet état d’éveil à nous-mêmes. »
Le propos de ce livre est joie, grâce, beauté, liberté. S’il est bien question d’intelligence, c’est d’intelligence de la joie, d’intelligence de la grâce, d’intelligence de la beauté, d’intelligence de la liberté. Les obsessions du « moi », la maladie de la comparaison, les projections, les distorsions… sont écartées d’emblée. Hors champ. Il s’agit toujours de vivre la situation depuis le « non lieu ».

L’infinie richesse des créations artistiques met en jeu les dualités, les oppositions. Cette mise en jeu se fait art quand le jeu dualiste révèle l’évidence non-duelle, une axialité originelle, ultime, permanente.
« Vous pouvez seulement formuler et expliquer ce que vous n’êtes pas. La continuité que fondamentalement vous êtes ne peut se traduire en mots ou se rationaliser. Être est non-duel, absolue présence sans éclipse, quelles que soient les circonstances. » disait Jean Klein, maître de l’Art.

Editions Almora, 51 rue Orfila, 75020 Paris, France.
www.almora.fr

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