Sarah Hirschmuller a invité Luc Bigé à une longue et libre conversation autour du sens. Conscients l’un et l’autre des limites du développement dit « personnel », ils ont choisi d’autres chemins d’interrogation afin de découvrir d’autres réponses. « C’est d’autre chose qu’il s’agit », répète Sarah Hirschmuller.
« Il s’agit, dit-elle, d’une inspiration à la fois audacieuse et humble, qui ne vous demandera pas de sacrifier votre cerveau gauche à votre cerveau droit, ni l’inverse. De croire ou de ne pas croire. De « faire taire votre mental », ou au contraire de l’exalter à grand renfort de théories spectaculaires. Vraiment, c’est tout autre chose. »
Luc Bigé saisit sa propre vie comme une énigme afin d’interroger les expériences humaines. C’est, dit-il, « un bon point de départ ». Il développe : « Le mystère que je suis pour moi-même, si je le reconnais et si je m’ouvre à lui, me relie immédiatement au grand mystère de la vie, auquel je deviens tout à coup étrangement disponible. Mes représentations tombent – du moins les plus inutiles d’entre elles, et certainement les moins utiles à la vie. Quelque chose se dénoue, se désencombre et devient soudain infiniment simple. »
Il propose de sortir de « l’enfer du faire » afin d’accéder au silence, au sens, à soi-même enfin. Par petites touches élégantes, par chapitres brefs, commence cette exploration de son propre mystère : « le désir et l’appel – être quelqu’un – le sens du mystère – la fragilité – la gratitude – le service – l’âme – le désir d’être aimé – l’amour…
Parmi les nombreux thèmes abordés, nous découvrons de manière assez surprenante « le capitalisme » mais, immédiatement, le lien avec le désir est avancé très justement :
« Le capitalisme est une doctrine extrêmement puissante. Elle a réussi à écraser à peu près toutes les autres cultures sur la planète. Comment ? En promettant la satisfaction immédiate de tous les désirs. C’est une promesse très puissante, mais aussi très régressive : dans un monde orienté par cette promesse, il n’y a plus de nécessité du processus d’individuation, plus de recul, plus de pensée, plus rien : juste des désirs satisfaits. »
Luc Bigé déploie une sagesse, une sagesse qui donne sens à l’expérience quotidienne car elle est issue de cette expérience. Les concepts naissent ici de l’expérience pour y reconduire autrement, selon un processus : « comprendre, aimer, transformer ». Toutefois, il se méfie « des solutions ».
« … tout le monde a sa petite solution. Mais il n’y a pas de « solution ». La solution va émerger des mille, trois mille, trois millions ou quatre milliards de personnes qui vont oser leur vérité. Oser leur âme. Oser l’amour. C’est donc un combat pour chacun. Contre la peur de pas réussir, la peur de manquer, contre toutes ces pathologies qu’on traîne avec soi. Mais pour cela, il faut bien accepter que la vie soit un combat héroïque et non une recherche obstinée de sécurité. »
Si combat il y a, il se révèle paisible, lucide, profond. Ce livre obéit davantage à la structure d’une peinture que d’un écrit. Par la grande variété des touches, un tableau de sagesse coloré sort de la toile grise de la vie. Question de regard.
Source: La lettre du crocodile