A la recherche de la conscience perdue

Scientifique, Alexandre Rojey explore la question centrale de la conscience à l’heure du transhumanisme et de l’intelligence artificielle, où les évolutions technologiques permettent d’annoncer la venue de machines de plus en plus conscientes sans que nous puissions dire exactement de quoi nous parlons.

« Depuis toujours, confie-t-il, la notion de conscience m’interpelle. Quelle est cette substance mystérieuse qui nous distingue radicalement des choses, de tous les multiples objets autour de nous ? Que signifient les notions de je ou de moi ? Ces questions restent sans réponse et sont d’autant plus lancinantes que personne ne semble vraiment s’en préoccuper. »

Cette exploration, conduite à deux, veut tenter de mieux cerner la nature de la conscience sans se restreindre à une approche phénoménale. Sous la forme d’un faux dialogue entre les deux partenaires, de très nombreux aspects sont interrogés, soulignés ou exploités.

Sont d’abord distinguées et schématisées trois fores de conscience, conscience immédiate, conscience intentionnelle, conscience intérieure, qui permettent de supposer un dedans et un dehors. Nous restons dans le cadre de la « concience de ».

Divers modèles de la conscience sont approchés, leurs forces et leurs faiblesses objectivées que ce soit les propositions d’Antonio Damasio, celles de David Chalmers ou des approches quantiques. Le recours aux approches traditionnelles, notamment indiennes, permet d’élargir le champ des possibles. La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à la Présence : « le retournement du regard – le lieu de la Présence – le vide primordial – l’espace lumineux et vibrant – la perte de l’âme – l’origine de la conscience – la chaîne de la vie, l’onde de présence – le retour en soi... »

La Présence est ici « l’espace intérieur dans lequel se déploie la conscience ». « La Présence ne relève ni d’une croyance ni de la foi. Il ne s’agit pas non plus d’un concept qui puisse être appréhendé par la raison. Elle ne peut être perçue qu’à travers une expérience vécue. A la source de nos sensations et de nos sentiments, elle est pure conscience, pure immanence et pure transcendance. »

Une partie très intéressante de l’ouvrage est consacrée aux niveaux de réalité et à la métaphysique du reflet. Platon et son agathon, Plotin et d’autres permettent de saisir le jeu de miroirs au sein de la conscience.

La troisième partie traite de l’Ouvert, « un espace transpersonnel dans lequel la Présence s’étend sans limites. Dans cet espace immatériel toutes les influences individuelles se superposent et toutes les individualités se fondent.

C’est aussi dans ce lieu que se forment les archétypes de l’inconscient collectif et que se construit le monde imaginal. »

L’Ouvert n’est pas accessible par des voies dites scientifiques. L’auteur recourt donc à l’intuition poétique :

« A travers la vision poétique, l’esprit dépasse les catégories de l’entendement pour se relier à la chose-en-soi. »

La démarche de l’auteur est méritoire, même si parfois laborieuse. Le langage n’est pas fait, sauf dans sa dimension crépusculaire et poétique, pour traiter de ce qui relève finalement de la non-dualité. Fallait-il pour autant renoncer ? Certes non. En tentant d’énoncer autrement ce qui a déjà été présenté et représenté par les grands penseurs des diverses traditions, en générant finalement un nouveau modèle, certes fluctuant et ouvert, en recyclant d’anciens concepts, l’auteur met en perspective l’expérience individuelle, la sienne bien sûr, mais elle est aussi la nôtre dès lors que nous cherchons à saisir le réel.

Le lecteur peut, au détour d’une page, trouver un indice, ou une réponse qui permettent de pousser une porte qui jusque-là était dissimulée.

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