Le Jardin des Vertus de Jacqueline Kelen

Chaque ouvrage de Jacqueline Kelen conduit le lecteur plus loin et autrement sur le chemin de l’Esprit. Avec ce livre, elle nous rappelle la place fondamentale des quatre vertus cardinales dans l’édification spirituelle de l’être.

Jacqueline Kelen nous met d’abord en garde contre le rapport souvent illusoire que nous entretenons avec le développement personnel, la méditation ou le lâcher-prise qui ne font que nous aider à supporter la prison du « moi » et nous éloigne du véritable engagement spirituel. Elle en appelle à la morale, ou plutôt à la Morale.

« C’est une grande erreur, dit-elle de croire que la morale dépend d’une religion ou de penser qu’elle n’assure qu’une cohésion sociale. Les plus anciennes civilisations (Sumer, l’Egypte), la philosophie antique (qui en Occident éclot avec les présocratiques, au VIème siècle avant l’ère chrétienne), ainsi que les mythes fondateurs se réfèrent à un code moral qui permet au mortel de devenir humain, de s’amender, de s’élever, de devenir libre, voire de rejoindre le monde des dieux. La conduite qui en découle requiert une ascèse, la pratique des vertus, la lutte contre les faiblesses et les défauts, et une attention à tout ce qui n’est pas soi. »

Il s’agit bien d’une morale opérative, non d’un filet de valeurs et de comportements exigés ou attendus des autres. Jacqueline Kelen évoque bien une ascèse et cherche à restituer leur dimension initiatique aux vertus. Elle en appelle aux philosophes grecs dont l’enseignement des vertus pénétra le christianisme, Epicure, Socrate, Platon, Epictète, Sénèque… « Mesure de toute chose » pour Protagoras, ou « plante céleste » pour Platon, l’être humain « est libre de s’élever ou de régresser » nous rappelle Jacqueline Kelen, nous laissant seuls responsables de nous-mêmes. A nous de tendre vers cette « seconde naissance » qui libère des conditionnements.

Jacqueline Kelen développe longuement la nature, la dynamique, le rayonnement de chacune des quatre vertus cardinales : la force, la prudence, la tempérance et la justice, ces « verdoyantes vertus ».

Elle illustre la force par de nombreuses références afin de nous faire saisir cet « état intérieur ».

« La fermeté d’âme, ajoute-t-elle permet le courage et la bravoure autant que la patience et la résistance. L’endurance dans les épreuves, la constance de la foi, les gestes héroïques, le face-à-face avec la mort, la victoire de l’amour, rien ne serait possible sans cette vertu première, fondatrice. »

La prudence, vertu qui nous manque ô combien dans un monde qui dérape d’instant en instant, est bien un chemin vers la sagesse.

« La vertu de prudence se manifeste avant tout par le discernement. En tout domaine, il est indispensable de savoir démêler le vrai du faux, de distinguer le bien et le mal, l’absolu et le contingent, le réel et l’illusoire, le temporel et l’éternel, l’essentiel et l’accessoire, le psychisme et le spirituel, la louange et la flatterie, les alliés et les faux amis, l’inspiration supérieure et les voix démoniaques, la lumière et les ténèbres… Au fond, le discernement, propose Jacqueline Kelen, c’est l’amour de la clarté. »

Contre l’hybris, toute régnante sur notre temps, Jacqueline Kelen invoque la tempérance.

« De fait, la vertu de tempérance s’attaque au bastion du moi arrogant, tout-puissant. Elle exige que l’on fasse taire son ego, ses prétentions et ses revendications, que l’on contrôle ses impulsions (colère, violence), que l’on jugule l’avidité inhérente au moi primaire, grossier. On constate que cette vertu n’est guère pratiquée de nos jours où tout citoyen est encouragé à consommer, faire du bruit, à « profiter » et « se faire plaisir ». Ce qu’on appelle maintenant addiction (et non plus intempérance) se répand : addiction aux jeux, à l’alcool et à la drogue, au sexe et à la pornographie, à Internet, au téléphone et aux écrans… On remarquera en passant que c’est toujours l’individu qui crée ses propres chaînes et alimente ce qui va le perdre. »

« La justice, dit Jacqueline Kelen, représente à la fois la somme et le sommet des trois vertus précédentes. Et elle les conditionne : comment exercer la force, la prudence et la tempérance sans se référer à la notion supérieure de justice, de vérité ? »

« C’est l’amour de la vérité, insiste-t-elle, - non celui de l’égalité – qui inspire le sens de la justice. Cette vertu est la verticalité même, elle n’a souci que d’élever l’être humain, de le rendre irréprochable. Elle n’induit pas la comparaison, elle vise la perfection. »

Chaque livre de Jacqueline Kelen est un rappel à l’Esprit. Peu de systèmes traditionnels ou initiatiques font encore aujourd’hui état des vertus cardinales, considérées à tort comme désuètes. En déployant l’opérativité des vertus, Jacqueline Kelen nous offre l’opportunité de les actualiser au quotidien et de les laisser tisser un jardin de beauté et de liberté.

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