Un chemin vers l’essentiel

Michel Bédaton a longuement œuvré au sein de la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra (GLTSO). Il fut Grand Prieur de l’Ordre Intérieur de la GLTSO. Il anime depuis plus de vingt ans les travaux de la Loge de recherche Sagesse de la GLTSO en invitant les meilleurs spécialistes des domaines traditionnels ou scientifiques à partager le fruit de leurs recherches, prolongeant ses actions culturelles préalables dans le cadre associatif. 

Il a publié en 2014 chez Zefiro, avec Rémi Boyer, l’ouvrage Chevalerie, Franc-Maçonnerie et Spiritualité – Exercices Spirituels pour les Ours et les Chevaliers.

Tout écrit des derniers temps recèle quelques trésors de sagesse. Michel Bédaton, vieux chevalier de la fin du deuxième millénaire chrétien fait appel à sa vaillance, déjà trop sollicitée, et son entendement, pour s’adresser aux jeunes chevaliers de ce nouveau millénaire qui tarde à enfanter une nouvelle alliance avec la Nature, maltraitée par les anciens et, par conséquent, selon Spinoza, avec Dieu. La chevalerie de ce millénaire incertain sera d’Esprit, sans lequel réconciliation, rectification, restauration, révolution sont vaines.

Dieu, justement, ouvre ce testament initiatique, le témoignage spirituel que Michel Bédaton laisse à tous ceux déjà engagés dans la Queste et à celles et ceux qui s’en approchent. Lui qui a longtemps favorisé la rencontre entre les traditions ou religions du monde s’est maintes fois retrouvé au carrefour entre les traditions, orienté naturellement vers la recherche d’une structure absolue, d’un essentiel qui soit aussi, alchimiquement, « Essence du Ciel ». Ainsi, ce livre parle à tous, quelle que soit la maison culturelle ou traditionnelle où ils demeurent.

C’est à mi-chemin entre folie et naïveté, folie consciente, orientée et naïveté sainte, féconde, que Michel Bédaton a écrit ces lignes, sur les pas du Quichotte, ce prototype exemplaire de l’initié ou du chevalier errant. L’errance est ici intérieure et se déploie au sein même du monde, de ses banalités, de ses atrocités et de ses merveilles. Le quotidien, avec ses hauts et ses bas, ses révélations et ses obscurcissements, est une matière qui se travaille longuement pour en extraire quelques pépites rayonnantes. Usure de l’égo, transparence de l’être qui laisse passer la Lumière, apprentissage permanent, compagnonnage et maîtrise sans cesse remise en question, font partie du chemin. Il s’agit avec Montaigne de voyager sur « l’océan du doute » sans perdre de vue l’Île du Centre, tant attendue.

Le quotidien s’appréhende comme voie initiatique avec son cortège de joies, de déceptions, d’illusions, de préjugés, de jaillissements, de pertes et de gains, de mises en perspective d’une infinité de couples d’opposés qui ne demandent qu’à jouer et se jouer de nous. La dualité ! Si pesante souvent, si fascinante parfois mais qu’il nous faut bien finir par traverser pour s’en affranchir définitivement. Michel Bédaton multiplie les références au quotidien, à son quotidien qui est bien souvent aussi le nôtre, pour en faire autant de miroirs dans lesquels nous pouvons nous reconnaître, distinguer notre véritable nature, originelle et ultime, qui demeure derrière les oripeaux personnels. En initiation, tout est question de regard. D’un regard à l’autre, c’est le paradigme qui change et libère de la prison des conditionnements.

Singulièrement, Michel Bédaton utilise peu le mot « initiation » alors que c’est le cœur de son sujet. Le Christ est très présent dans sa pensée comme dans ses écrits et l’initiation chrétienne lui est chère, même si le Bouddha lui est familier. Sa longue exploration des traditions d’Orient et d’Occident lui a permis de reconnaître en chaque expression traditionnelle un reflet de cet indicible dont nous avons tous le pressentiment et qui, à la fois, nous justifie et nous rectifie. La Connaissance ne se transmet pas mais les mots peuvent en donner le pressentiment. Les mots du quotidien appellent les lumières des grands penseurs convoqués en écho dans ces pages. Leurs paroles résonnent en nos consciences, par bonheur sans nous raisonner. Le chapelet des expériences humaines nous enseigne malgré tout, malgré nous.

Le dernier chapitre de son livre, qui, rappelons-le, commence avec Dieu, s’intitule « Comment vivre ? ». C’est bien de cela qu’il s’agit pour tout un chacun, comment se faire « vivant » ? Les premiers chrétiens se désignaient comme « les vivants », totalement présents à ce qui est offert ici et maintenant ou encore « vivants » car laissant Dieu être présent à Lui-même, en chacun d’eux. Transparence toujours et Présence encore au-delà des paradoxes qui ne manquent pas de remettre en cause nos croyances les mieux établies.

Source: La lettre du crocodile

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