Les Cathares 700 ans plus tard - Alexandre Rougé

Une guerre totale et un génocide, ça laisse des traces. Surtout si l’on n’en parle pas. (Ces traces sont pires encore si l’on n’en parle pas…) Notre mémoire collective — la mémoire collective française en général et occitane en particulier — porte cette plaie (une plaie qui demeure encore « sans cicatrice », disait Abellio). Il est temps de guérir cette blessure. Cela implique d’affronter la réalité historique du génocide cathare. (De 1209, avec le massacre des 20 000 habitants de Béziers, à 1328, quand la soldatesque royale emmure les quelque 500 cathares réfugiés dans la grotte de Lombrives. Bilan, estimation haute : un million de morts.

Pour l’époque, c’est astronomique.) L’église de Rome a décidé, planifié et exécuté ce génocide (le pape Innocent 4, en particulier, y déployant des trésors de perfidie et de duplicité) ; elle a confié le sale boulot (les opérations militaires) à la racaille mercenaire ordinaire (venue principalement de France et d’Allemagne), les grands féodaux — à commencer par le duc de Bourgogne — ayant refusé de prendre part à cette minable et injustifiable campagne de pur terrorisme. Le roi de France, Philippe Auguste, se foutait du pape et de son délire : il n’a autorisé que 500 de ses féodaux à suivre les cisterciens pour aller massacrer les Occitans. La France en a profité pour s’accaparer au passage (traité de Paris, 1229) le territoire de la florissante Occitanie (une civilisation à l’avant-garde de son époque et à laquelle succéda la civilisation italienne de la Renaissance, dans un pays, la Lombardie, qui était un véritable fief cathare).

La manière dont Blanche de Castille et Louis 9 (dit « saint Louis ») ont extorqué ses états au comte Raymond de Toulouse est d’ailleurs aussi vile que minable. Louis 8, père de ’’saint’’ Louis, s’était pour sa part distingué, dix ans plus tôt, en ordonnant — encore un sommet de barbarie — le massacre des 7 000 habitants de Marmande. Quant à l’extermination des cathares, Rome a inventé pour cela une milice dédiée, l’Inquisition, gérée par les Dominicains — institution totalitaire (en gros, c’était déjà la Gestapo, comme quelques historiens commencent à s’en apercevoir) fondée sur la torture et l’élimination systématique. Autant d’évidences historiques, quasiment absentes des livres d’histoire.

En psychologie, on appelle ça un déni et un refoulé : en général, cela finit par entraîner la névrose ou la psychose.

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Les Cathares 700 ans plus tard a été fini d’écrire le 16 octobre dernier, le jour où un certain Jean-Marc Eychenne, dont le boulot est d’être « évêque de Pamiers, Mirepoix et Couserans » (ce qu’on pourrait appeler un bullshit job), venait à Montségur pour faire semblant de s’incliner devant le génocide commis par son église il y a sept siècles. Ce fut un sommet d’hypocrisie : Eychenne a demandé « pardon à Dieu » pour les horreurs commises par les catholiques sur les cathares. Ca va lui faire une belle jambe, à Dieu. C’est aux descendants et aux successeurs des Cathares qu’il fallait s’adresser.Une contrition à peu près crédible aurait plutôt consisté à reconnaître tout ce que l’église romaine a dit et a fait contre les cathares (et les Occitans) et à dire pourquoi elle l’a fait… Autant rêver : pour l’église romaine, dire la vérité — à savoir qu’elle a exterminé les cathares parce qu’ils la menaçaient tout simplement de ruine — cela reviendrait à reconnaître les mensonges sur lesquels elle repose depuis son origine, et donc à signer son arrêt de mort. On ne lui en demande pas tant… On ne lui demande rien du tout, d’ailleurs.

Eychenne, ce jour-là, a poussé le mépris jusqu’à arborer un tau, la croix utilisée par les Franciscains : pourquoi n’en a-t-il donc pas profité pour rappeler que son église a aussi brûlé vifs de nombreux franciscains pour avoir accueilli et abrité des cathares parmi eux ? Sinistre farce, en vérité, que cette mascarade du 16 octobre à Montségur. Et nouvelle preuve, s’il en fallait encore, que Rome, comme disaient les cathares, n’est autre que « l’église de Satan ». Tic, tac : ça va faire un certain bordel quand le dôme de Saint-Pierre va s’effondrer en poussière.

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Avec ce livre, il s’agit surtout de montrer quelles étaient les clés de la spiritualité cathare — et de montrer aussi que ce sont des clés universelles. Déodat Roché fut l’un des très rares, au 20e siècle, à l’avoir compris et affirmé. Raymond Abellio aussi en fut capable, et leurs approches respectives de la gnose cathare sont aujourd’hui à leur tour à notre disposition. C’est cette synthèse que j’entame avec ce titre.

A l’appui d’une pure et simple vérité : c’est que l’approche gnostique du bien et du mal, en particulier, ouvre à une compréhension de soi et du monde dont la nécessité n’a jamais été aussi urgente qu’à notre époque. De fait aujourd’hui, les causes ayant favorisé l’insurrection cathare, non seulement existent encore mais sont exacerbées : esclavage économique et social ; injustice flagrante et systématique (droit du plus fort et loi de la jungle) ; incompétence, faillite, corruption et indécence généralisées des ’’élites’’ en place ; exploitation et rentabilisation de la violence et de la souffrance (à travers les guerres ou l’industrie de la ’’santé’’, entre autres)…

Notre monde est plus que jamais sous l’emprise du mensonge et de l’ignorance, le tout au profit d’une poignée de fous furieux démiurgiques, mafieux sataniques et dégénérés s’évertuant à entraîner la Terre et l’humanité à leur suite dans le nihilisme et la mort. Ce constat étant posé, une solution : la connaissance de soi. Les Cathares 700 ans plus tard nous y convie en ouvrant les pistes et en donnant les clés pour s’y lancer. Et s’y retrouver.

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