La République universelle des Francs-maçons des Lumières aux Révolutions par  Pierre-Yves Beaurepaire

Le lecteur appréciera une fois de plus ce travail précis de Pierre-Yves Beaurepaire sur un sujet autant passionnant que difficile à traiter. Si les Lumières ont vu poindre de nombreuses utopies sur un terrain intellectuel favorable, la Franc-maçonnerie ne pouvait rester à l’écart de ce mouvement.

La fraternité et la paix sont au cœur du projet maçonnique, que celui-ci soit sociétal ou spirituel. Il prolonge et s’inscrit dans l’idée chrétienne d’une paix universelle. Avec 1789 et le bouleversement révolutionnaire le principe d’une République universelle des Francs-maçons acquiert une force nouvelle.

Pierre-Yves Beaurepaire met en garde contre les fantasmes ou les raccourcis faciles. Il convient d’éviter tant la théorie allemande de la subversion, la théorie anglo-saxonne de la conspiration, de ne pas voir la main de la Franc-maçonnerie là où elle est absente. La Franc-maçonnerie a parfois manqué des rendez-vous avec l’histoire et n’a pas toujours été à la hauteur de ses idéaux.

Trois voyages, évoquant les voyages de l’apprenti sont proposés au lecteur :

« En premier lieu, le voyage de la mémoire, construite, élaborée et célébrée par les Francs-maçons, car il n’est pas d’utopie sans texte ni mythe fondateur. (…)

Ensuite, il sera temps de visiter le microcosme maçonnique, le temps des amis choisis, véritable laboratoire où la communauté fraternelle élabore l’ordre à partir du chaos – ordo ab chao –, la concorde et l’harmonie des rapports fraternels par opposition aux antagonismes qui déchirent la sphère profane. »

Le troisième voyage permettra d’étudier « comment les Francs-maçons les plus avancés transforment radicalement l’utopie planétaire de la république universelle des Francs-maçons en une entreprise de libération, la Franc-maçonnerie guidant les peuples vers leur émancipation. »

L’objectif est d’évaluer « l’importance réelle de cette mouvance universaliste ».

« Ainsi dégagée de sa gangue idéologique qui la voue aux gémonies ou la crédite de tous les progrès de l’humanité, la République universelle des Francs-maçons apparaîtra comme le reflet ses aspirations successives et contradictoires d’un temps riche en bouleversements fondateurs. »

Nombre de points sont éclaircis par l’auteur comme la distinction entre société secrète et société à secrets, ou l’importance et la durabilité de ces « sociétés d’hommes », confréries diverses, qui disent le besoin de sociabilité, besoin qui trouvera en Franc-maçonnerie matière à être satisfait. Pierre-Yves Beaurepaire développe longuement la notion d’ « amis choisis à travers de très nombreux exemples en s’appuyant sur des archives. La mise en œuvre de cette utopie de va pas de soi. Les divergences, les luttes intestines au sein de la Franc-maçonnerie sont légion. Toutefois la dynamique utopiste demeure même si la Franc-maçonnerie apparaît en crise au début de ce millénaire. De l’externalisation à l’occultation, les questionnements persistent sur la place de la Franc-maçonnerie dans le monde et sur son action.

« Dans ces circonstances, conclut Pierre-Yves Beaurepaire, l’utopie planétaire de la république universelle des Francs-maçons mérite d’être méditée et revisitée. Elle offre à la fois l’avantage d’une fidélité à la tradition, et d’une réponse en termes d’harmonie, de concorde et de paix aux craintes de ceux qui redoutent les effets indésirables d’une mondialisation de l’économie et d’une globalisation incontrôlée de l’information. »

Outre l’intérêt maçonnique historique de cet ouvrage agréable à lire malgré l’exigence qualitative de l’auteur, le propos permet de penser les manières de s’incarner de l’utopie suivant des chemins, parfois chaotiques, mais qui visent toujours une plus grande harmonie.

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