L’emblématique des Régions de France

Martine Boudet conduit des recherches à l’université Paris Diderot (Laboratoire d’Etudes interculturelles des langues appliquées/EILA). Pour cet ouvrage, elle a collaboré avec divers spécialistes de plusieurs régions historiques et ultramarines. Elle a déjà publié, toujours dans une démarche collective, Le système éducatif à l’heure de la société de la connaissance (Presses Universitaires du Mirail, 2014), Urgence antiraciste – Pour une démocratie inclusive (Le Croquant, 2017) et Les langues-cultures moteurs de démocratie et de développement (Le Croquant, 2019). Ce livre fait suite à l’essai consacré aux Hymnes et chants identitaires du grand sud publié en 2009 chez IDECO, primé par l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse en 2010.

Ce livre est d’une brûlante actualité. En effet, il jette d’autres regards sur les questions d’identité qui dévorent nos sociétés tentées par l’uniformisation et habitées par des dénis d’altérité récurrents.

« L’actualité nous le montre d’une manière insistante, souligne Martine Boudet, les recompositions géopolitiques qui s’effectuent à la faveur de la mondialisation des échanges et de leur médiatisation, mais aussi de la crise écologique et économico-financière du système néolibéral, donnent lieu à un regain des aspirations identitaires. Si celles-ci se manifestent au niveau des Etats-nations par la montée de nationalismes parfois extrémistes, voire guerriers, leurs formes pacifiques et démocratiques, surtout au niveau régional, sont aussi bien réelles et significatives. »

Cette question est ancienne, elle fut parfaitement posée dans les années 1930 par Denis de Rougemont, Alexandre Marc, Emmanuel Mounier qui furent, avec d’autres acteurs, à l’origine du fédéralisme intégral et du renouveau du personnalisme. Le grand intérêt de l’approche de Martine Boudet est de chercher une nouvelle harmonisation entre Etats-nations et régions, une position moins radicale que celle du fédéralisme intégral mais entendable par le plus grand nombre et techniquement envisageable dès le court terme.

En faisant le choix de questionner les identités par le patrimoine symbolique (« blasons, drapeaux et logotypes, devises, chants, historiques des fêtes et commémorations, figures et lieux représentatifs… »), Martine Boudet réintroduit des matières qui nous imprègnent souvent inconsciemment et qu’il serait bon de se réapproprier pour penser les fondements de nos sociétés.  De même, elle insiste sur l’importance de la langue, qui nous constitue. Elle parle de « langue-culture », dotées d’une certaine autonomie et de leur propres dynamiques temporelles et spatiales.

« Désormais, dit-elle, c’est plutôt au concept de culture qu’une langue peut être associée ; cela en phase avec la diversité non hiérarchisée et interactive des communautés culturelles, dont certaines, entre autres des entités dites « régionales » peuvent être considérées comme des « nations culturelles » ou des « nations sans Etat ».

L’ouvrage est composé en cinq parties. 

La première partie, La France au carrefour de deux axes géo-culturels aborde le sujet des « développements culturels différenciés », le couple Oïl-Oc qui marque les tensions et paradoxes entre Etat central et variétés régionales, les rapports avec les Etats frontaliers et l’Union Européenne et cette question, spécifiquement française des territoires ultra-marins.

La deuxième partie, très riche, présente l’héraldique, la vexillologie et la signalétique :

« Toute symbolique, rappelle Martine Boudet relève d’une certaine manière du sacré, qu’il soit d’ordre religieux (théologique) ou laïque (culturel, politique…). En fait, trois étapes historiques sont à envisager, qui correspondant à trois types de sacralité. La science du blason, l’étude des armoiries (ou « armes ») est un apanage des anciennes élites sociales : les bases philosophiques de l’Ancien Régime sont l’animisme païen et le judéo-christianisme, qui célèbrent une hiérarchie spirituelle transcendante. Suite à la Révolution française, la symbolique du Nouveau Régime laïc correspond à une éthique humaniste et immanente, reflétée par l’art des drapeaux, autrement dit la vexillologie. Enfin, vient l’ère de la société des médias et du marketing qui tend à superposer aux blasons et emblèmes des régions historiques, les logos, dont ceux des Conseils Régionaux. C’est l’ère de la signalétique. »

La troisième partie nous conduit dans un autre champ du patrimoine régional avec les Hymnes et chants emblématiques. Il ne s’agit pas seulement d’une classification mais d’une analyse des fonctions de ces hymnes et chants comme des archétypes qui les orientent.

La quatrième partie, Autres emblèmes et prospective traite des devises et slogans, notamment régionaux, des biens inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, avant de proposer quelques pistes pour une promotion des régions : « le renforcement de l’emblématique régionale, le renforcement de la gestion territoriale, le renforcement de la politique culturelle, éducative et médiatique ».

La cinquième et dernière partie est constituée d’un outil récapitulatif fort utile. Par région, sont classés drapeaux, hymnes/devises, sanctuaires ou autres sites emblématiques et fêtes ou éléments folkloriques.

Cet ouvrage érudit et très pédagogique, d’une lecture et d’une étude agréables, a été publié avec le soutien de la faculté Sociétés & Humanités, Université Paris Cité (Laboratoire de recherche CLILLAC-ARP UR 3967).

Source: La lettre du crocodile 

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