Les Bons Cousins Charbonniers

Une restauration des rites forestiers au début des années 1990 a permis à beaucoup de découvrir et redécouvrir un mouvement dont l’activité fut très liée à l’essor de l’industrie de l’acier. De nos jours, comme pour les Francs-jardiniers, les membres des rites forestiers s’intéressent à l’écologie et au renouvellement de l’alliance avec la nature.

Dans la première partie de l’ouvrage, Daniel Boucard dresse un tableau de la vie très particulière et difficile d’un charbonnier autrefois. Il rappelle l’importance du charbon de bois dans l’alimentation des hauts-fourneaux et la concurrence du charbon de terre, le coke, qui annonce la fin très progressive de l’usage du charbon de bois. C’est seulement en 1930 que ferme le dernier fourneau fonctionnant au charbon de bois.

Daniel Boucard présente dans le détail, les principes, les mises en œuvre, les astuces, les outils du charbonnier et la vie très collective et familiale des charbonniers en forêt. Il décrit les croyances, les superstitions, l’attachement au christianisme, le rapport au travail, une mythologie du feu présente dans les métaphores, sous le patronage de saint Thibault.

La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée aux Confréries de Bons Cousins Charbonniers de la moitié du XVIIIe siècle à la fin du XIXe siècle et à leur évolution très tributaire des contextes politiques, économiques et technologiques. Les origines, comme pour beaucoup de rites, restent incertaines mais les archives retrouvées permettent de comprendre le fonctionnement et l’orientation de ces sociétés marginalisées par l’Eglise comme par les pouvoirs en place et souvent pointées du doigt. Même si l’influence ou l’inspiration compagnonnique est présente, les sociétés de Bons Cousins ne se restreignent pas aux seules gens du métier, ils s’ouvrent très rapidement à d’autres plus ou moins proches, par leur profession, des ventes. L’aspect mutualiste est bien entendu très marqué. La politisation semble s’être imposée à partir de la Restauration. En Italie, le carbonarisme, bien connu, connaîtra un vaste développement et subira une féroce répression.

A partir de plusieurs documents anciens, Daniel Boucard présente les rituels des Bons Cousins, les symboles utilisés (meule, hache, échelle, enchantillon, râteau, cabane…), liés au métier, le tout formant un ensemble très riche. 

La dernière partie de l’ouvrage aborde le renouveau des rites forestiers. Nous retrouvons dans cette belle aventure le regretté Régis Blanchet, l’un des principaux artisans de ce retour en forêt et sans doute précurseur d’une pensée écologique de la ruralité. Diverses influences, notamment maçonniques ou druidiques, se font sentir même si les rites forestiers ont une identité propre très marquée. Une certaine pluralité d’approche demeure, toujours dans la perspective du retour à la nature. Le développement, lent, tranquille, des Bons Cousins Charbonniers, depuis trois décennies, est plutôt une bonne nouvelle dans un monde épris, jusqu’à la pathologie, de vitesse.

Loin d’être une simple curiosité venue du passé, les rites forestiers annoncent plutôt le futur.

Un très bon livre.

Source: La lettre du crocodile 

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